Yölah est le Dieu et Abi son délégué sur terre. Abi gère ce pays immense qu'est l'Abistan. Le principe de fonctionnement est simple : Yölah a enseigné à Abi sa loi qui la fait appliquer à tous.
Pour cela, tous les moyens sont bons jusqu'à interdire la pensée personnelle. Un système de surveillance permanent digne de Big Brother en bien plus puissant permet de détecter tous les mauvais comportements, les mauvaises pensées, les mauvaises attitudes. Et bien sûr, il faut connaitre le langage et la parole de Yölah sur le bout des doigts pour ne pas subir les foudres des organes policiers mis en place par Abi. La propagande est permanente, la désinformation totale, les assassinats fréquents et la terreur règne pour peu qu'on cherche à comprendre.
Ati est un habitant de cet empire, confiné dans son quartier, à la merci de la moindre dénonciation.
Il doute... Il doute beaucoup d'autant qu'il apprend qu'il existe une frontière, loin, très loin, qui tient à l'écart un peuple de renégats qui vivrait dans des ghettos sans respecter la moindre religion.
Et "Ati" part à la recherche de ce peuple. En chemin, il fera des rencontres qui lui apporteront des éléments de réponse.
Boualem Sansal nous livre un récit fluide, mêlant la surprise et l'innocence, la méchanceté et la bêtise, l'inquiétude et le dérisoire. Avec cet ouvrage surréaliste, il dénonce les dérives et l’hypocrisie du radicalisme religieux qui menace les démocraties molles et perturbées. Si nous n'y prenons pas garde, un tel scénario pourrait se réaliser en s'appuyant sur notre docilité trop assumée, surtout quand nous perdons tout sens critique, toute connaissance construite et structurée, et perdons notre temps à nous opposer par simple égoïsme plutôt que de réfléchir à notre propre avenir.
Les événements passés du Bataclan et de Charlie Hebdo, la guerre en Syrie, ou au Mali, les attaques fréquentes à l'arme blanche sont autant d'éléments qui devraient ouvrir nos consciences. Pourtant, il semblerait que nous ne sachions pas écouter, lire, entendre le chant de la barbarie qui avance à pas feutrés au nom d'un monothéisme implacable et dangereux. Serions-nous si impuissants ? Ou bornés au point d'admettre l'intolérable ?
Voici un livre bien écrit, parfois un "poil" redondant par moment, mais ne fallait-il pas insister pour nous aider à bien comprendre ? En le refermant, une forme de tristesse m'avait envahi comme si le genre humain m'avait paru résigné. Heureusement, l'auteur ne referme pas la porte complètement et nous laisse entrevoir avec une petite touche d'espoir, que la frontière existerait bel et bien.
A lire, indiscutablement.