Avec King, j’ai souvent du mal à être objectif. Il nous sert ici non plus un pavé mais carrément un parpaing difficilement transportable partout. Ceci dit, la lecture est facile et on plonge complètement dans cette histoire démente dès les premières pages.


L’auteur prend alors tout son temps pour raconter son petit délire, installer le suspense et, personnellement, j’ai trouvé la partie tant attendue où son héros rencontre enfin Lee Harvey Oswald la moins passionnante, voire la moins aboutie.


Car on va très vite comprendre que le plus palpitant dans ce livre n’est pas tant cette fameuse journée funeste dans l’Histoire américaine, mais plutôt tout ce qui va se passer avant et le peu qui se passe ensuite.


Sur un récit à la première personne, qui d’emblée nous annonce la fin sans surprise, du moins en partie, nous voyageons avec le héros dans une époque révolue. Avec la crise économique qui secoue le monde actuel, cet écho du passé est tout simplement déchirant. King parvient cependant à nous installer confortablement dans cette période étrange où la liberté et les mentalités étaient autres et côtoyaient la ségrégation et la violence, entre autre. Les différents conflits qui secouent le monde d’alors ne sont pas laissés de côté et il faudra tout de même de solides connaissances historiques et/ou de culture générale pour combler quelques vides. Parce que King ne s’improvise pas professeur d’Histoire et ne va donc pas nous faire un cour magistral et pompeux pour nous expliquer dans le détail la crise des missiles à Cuba, le désastre de la Baie des Cochons, ni même ce qui s’est passé exactement le 22/11/63. À chaque fois, nous vivons les évènements d’un regard extérieur et il ne tient qu’à nous et nos connaissances pour combler quelques vides ; et parfois, ces connaissances peuvent s’avérer cruciales pour bien tout saisir.


En ce qui concerne la journée du 22/11/63, King prend le parti pris de la théorie du tireur isolé. Oswald est donc le seul assassin. Est-ce pour simplifier la vie à son héros (et par extension son histoire) ou simplement par conviction ? Nous ne le saurons que dans la postface mais j’ai quand même eu beaucoup de mal avec cette fameuse thèse dans la mesure où King lui-même vient appuyer les différents rapports attestant que Oswald était loin, voire très loin, d’être un tireur d’élite. Comment un branque pareil a-t-il pu tirer trois balles dans le dos d’une personne aussi loin et en mouvement et surtout comment peut-on admettre qu’il ait pu toucher le président de face ? Je n’arrive pas à saisir comment on peut être aussi obtus vis à vis des preuves irréfutables (vidéo à l’appui) sur la présence d’autres tireurs sur le site. Parce qu’il faut être sacrément bon pour tirer de face tout en étant dans le dos de sa cible. Sans aller jusqu’à défendre la théorie du complot (qui peut aussi tenir la route, après tout, pourquoi pas ?), comment peut-on évincer si rapidement cette hypothèse avancée par Jim Garrison en contre expertise du rapport de la commission Warren ?
À mon sens, King fait une lourde erreur en se lançant dans cette histoire aussi palpitante que casse-gueule et en ne prenant en compte toutes les théories.


Ceci étant, comme dit plus haut et paradoxalement, ce n’est pas cette partie là, pourtant haletante, qui m’aura le plus intéressé mais tout ce qui se prépare avant : la vie de Jake Epping, alias George Amberson, dans les années 50 et 60. Sur fond de rock, Jake/George joue les justiciers en sauvant des vies et croise bon nombre de références à l’oeuvre de King, comme Christine ou encore Ça (à travers une simple histoire d’enfants disparus donc un qui a eu le bras arraché).


Comme je l’ai signalé, vu que le récit est à la première personne, il ne fait aucun doute sur le final. Du moins en partie parce que c’est sans compter sur King pour faire un dernier revirement qui n’épargne pas son héros.
Il va sans dire qu’il montrera les désastres que peuvent provoquer ces fantasmes de vouloir changer le passé pour améliorer son présent.


L’idée est folle mais redoutable. Encore une fois King fait mouche mais autant être prévenu : 22/11/63 ne se lit pas n’importe quand et certainement pas comme première lecture de Stephen King, comme une découverte de ce monstre de la littérature contemporaine. Il faut connaître l’auteur et son oeuvre pour en apprécier toute la magie et accepter que certains passages, aussi lourds soient-ils à lire, vont servir un tant soit peu dans l’histoire. Car comme ne cesse de le dire King, tout s’harmonise tout le temps et l’histoire se répète sans cesse.


Maintenant, j'aimerai aborder un point qui n'a rien à voir avec l'auteur mais avec l'éditeur, Albin Michel. Vu le prix d'un livre de cette taille, il est inadmissible de trouver un nombre incroyable de fautes de frappe et de mots manquant, avec parfois des phrases qui ne veulent rien dire ! C'est une honte de se prétendre grand éditeur et proposer un produit aussi mal abouti. C'est irrespectueux envers le client et le lecteur.

DavidBranger
9
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le 1 août 2017

Critique lue 215 fois

David Branger

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