J'ai plutôt apprécié l'A Rebours de Huysmans, pas tant pour l'érudition dont fait preuve l'auteur, au travers de son personnage de Des Esseintes, féru d'art, mais plutôt pour l'ambiance qui se dégage de cette écriture à la "désespérance teintée d'humour et volontiers provocatrice". Brandi dès sa parution comme l'expression même du mouvement décadent fin de siècle, cet ouvrage s'inspire clairement de la noirceur morbide de Poe ou Badelaire, m'a beaucoup rappelé La Confession d'un enfant du siècle de musset, et surtout Oscar Wilde. On y retrouve aussi sans doute le cynisme d'un Céline et les chants glauques de Lautréamont..
Les réflexions philosophiques pascaliennes se mêlent au pessimisme de Schopenhauer au travers de l'anti-héros Des Esseintes, dont l'expérience sans lendemain est à peu près le seul ressort du roman, qui reste immobile, immanent... et c'est aussi ce qui en fait la force.
Bref, un roman à ne pas lire durant les longues nuits mornes d'automne -déprime garantie-, mais remarquable. Bien que n'ayant rien lu de Houellebecq, je peux comprendre qu'il rende hommage à Huysmans. Loin d'être dépourvu de passion, l'anti-héros Des Esseintes la vit au contraire pleinement, dans un sens christique, développant une recherche éffrenée, désespéré, du beau et du plaisir artificiel, qui ne peut prendre fin que dans la mort... ou dans le refuge religieux... choix que fera plus tard Huysmans.
Qu'on ne s'y trompe pas, donc, cette lecture -alors qu'il ne se passe à peu près rien- n'a rien d'ennuyeuse : l'esprit torturé et la grande culture -les deux sont-ils liés ?- de Huysmans interpellent et attachent le lecteur