Une illustre famille du XIXe siècle s'éteint peu à peu ne laissant qu'un seul descendant en la personne de Jean Des Esseintes. Son père est très absent et sa mère malade, ses parents le confient donc à une éducation jésuite. Personne ne fait preuve d'autorité vis-à-vis du jeune homme et il se permet de n'étudier que les matières qui l'intéressent, délaissant les autres. Ses goûts se portent principalement sur le latin et les lettres. A sa jeunesse il goûte à tout les plaisirs décadents, de nombreuses femmes de tout horizons, des alcools, des salons, il semble avoir contracté la syphilis. Effrayé, et dégoûté par les hommes il va s'enfuir de ce monde parisien dont il sature. Ayant dilapidé la majeure partie de la fortune familiale il se voit obligé de vendre le château transmis en héritage, avec ce capital il s'achète une petite demeure à Fontenay-aux-Roses loin de toute vie. Il y emmène ses précieux livres et tableaux et deux vieux domestiques. Ceux-ci emménagent au premier étage de la maison, isolée de façon méticuleuse afin de ne pas les entendre, Des Esseintes ne veut sentir aucune présence humaine. Sa névrose et sa misanthropie empirent au fil du temps, c'est un esthète, mais il ne supporte pas que d'autres aiment ce qu'il apprécie lui-même. Son premier loisir est d'aménager ses appartements de façon excentrique avec des associations de couleurs, de textures inédites, tentures brique et lambris indigo, prend plaisir à donner l'impression de pauvreté avec des matières fort coûteuses. Ses excentricités iront même jusqu'à acheter une tortue dont il fera dorer puis sertir de pierreries la carapace afin de refléter les couleurs de son ameublement. Dans son rejet pour tout ce qui est populaire, les pierres choisies seront des pierres méconnues ou semi-précieuses, rejetant les fameux diamants ou émeraudes. La pauvre tortue ne fera pas long feu sous le poids de toutes ces richesses. Il se réfugie dans son imaginaire et ses livres qui le font voyager bien plus loin que la réalité ne pourrait le faire.

Plus qu'à rebours je dirais que Des Esseintes est un personnage à rebrousse-poil, il rejette maladivement les autres et donc leurs goûts, leurs idées. Il se crée un jardin de fleurs les plus laides possibles ressemblant à des chairs mutilées, malades, ne veut pas entendre parler de Wagner, et même son cycle biologique est inversé. Il voue un culte à Baudelaire et Verlaine, alors méconnus, l'heure étant au naturalisme (notamment de Zola cité à de nombreuses reprises), qu'il qualifie de romans se voulant le plus médiocres possibles. Des Esseintes ne veut pas du médiocre, du tout le monde, du n'importe qui, il veut l'élite, et si elle est reconnue par le plus grand nombre il ira chercher la décadence. A rebours n'est pas un véritable roman, il a plus une figure de catalogue, d'inventaire, ce qui rend sa lecture plutôt pénible. Les chapitres sur la littérature latine, le plain-chant, la peinture sont des suites de noms dont les notes prennent la moitié de la page. Cependant le style de Huysmans est remarquable, ciselé, bien qu'un peu chargé. La rage, le dégoût du personnage, qui, on ne s'y trompe pas, sont autobiographiques, sont palpables, on les sent gonfler au fil du texte. Il s'inspire du philosophe pessimiste Schopenhauer "La vie [ ]oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui...." pourtant il n'arrive pas à céder totalement à ce courant de pensée et est attiré par la foi catholique malgré lui. Ce n'est pas le personnage simpliste auquel on pourrait croire au début du roman, il est imprévisible. Je ne pense pas que ce soit le meilleur roman de Huysmans mais je suis curieuse d'en lire d'autres.
Diothyme
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le 21 févr. 2011

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