Chacun son dieu, et drogue pour tous !

Voici le dernier roman en date de Daryl Gregory (en France. Il en a sans doute d'autres à son actif aux USA). Après l'excellent L'éducation de Stony Mayhall (mon avis ici), et un Nous allons tous très bien, merci que je n'ai pas lu, mais dont on m'a dit beaucoup de bien, j'étais assez impatient de me frotter à ce roman.

Afterparty est un roman d'anticipation se déroulant à quelques décennies de nous. Daryl Gregory imagine alors une planète où la technologie des imprimantes 3d a évolué jusqu'à aboutir à la création de Chemjets, des imprimantes capables de synthétiser toutes les substances chimiques possibles sous forme d'encres.

Dés lors, et comme on pouvait s'y attendre avec l'espèce humaine, cette technologie va être utilisée à des fins mercantiles fort peu légales qui plus est, puisque de petits malins vont rapidement créer leurs propres drogues et les commercialiser sur le marché sous la forme de buvards ou petits papiers imbibés d'encres psychotropes.

Ça, c'est pour le contexte général. Au moment où le roman commence, le principe des drogues synthétisées et commercialisées via des chemjets est déjà acquis. L'héroïne du roman est une camée qui, à la suite d'une overdose d'une drogue qu'elle a contribué à lancer, voit à ses côtés un ange (le Dr Gloria) qui l'accompagne partout et la conseille.

Cette drogue, le Numineux, modifie en effet la structure cérébrale de ses utilisateurs jusqu'à leur faire "ressentir" une présence divine à leur côté. En cas d'overdose, l'effet devient quasi permanent, et la présence divine apparaît littéralement aux côtés du drogué qui non seulement voit et entend son dieu personnel, mais même le sent au toucher !

Ayant réussi à convaincre ces thérapeutes qu'elle est guérie, cette femme va sortir de désintox et se mettre en quête de ses anciens collègues qu'elle soupçonne d'avoir remis en circulation ce produit alors qu'ils s'étaient jurés de ne pas le faire.

L'idée de départ est brillante, et la société qui en découle est tout à fait crédible et bien pensée. L'idée d'imprimantes à drogue tellement démocratisées que n'importe quel petit chimiste peut se lancer dans la production de son petit produit est très bien vu.

De même, les effets du Numineux sont très bien exploités et mis en scène par Daryl Gregory, et le cœur du roman s'attarde sur cette difficile relation qui se crée entre Lyda, l'héroïne, et son ange personnel qui n'est finalement qu'une construction de son cerveau. L'autre point focal reste bien sûr la problématique de cette drogue "mystique" qui, à trop forte dose, entraîne cette névrose et peut conduire les personnes les plus influençables aux pires extrémités (suicide, comportement fanatique [un peu comme une vraie relligion en fait])

Car, même en sachant que le Dr Gloria n'est qu'un effet du Numineux, et n'existe pas, Lyda s'avère quasiment incapable de mener sa vie sans que celle-ci ne soit à ses côtés pour lui dire quoi faire. Phénomène qu'elle vit donc très mal, puisqu'elle passe son temps à se répéter que le Dr Gloria n'est qu'une projection de son cerveau et à se prendre le bec avec elle (et finalement, avec elle-même).

C'est cette relation rejet / dépendance, très bien gérée tout au long du roman, qui contribue à sa réussite, et donne lieu à quelques scènes d'engueulades schizoïdes assez réussies. L'intrigue elle-même n'est pas en reste, et réserve son lot de rebondissements et de coups de théâtre.

Au final, un roman malin et prenant, et qui confirme tout le bien que je pensais déjà de Daryl Gregory.