Aires
7.3
Aires

livre de Marcus Malte (2020)

En plein confinement C-19, je commence pour la première fois un livre de Marcus Malte. Histoire de prendre un peu d'Aires... Pardonnez-moi le jeu de mot facile, mais l'auteur en est très friand ; nul doute qu'il eût apprécié !


Les premières pages offrent un monologue d’un narrateur anonyme, issu d’une ère future. Celui-ci s’adresse à ses congénères pour faire état d'ancêtres lointains et oubliés dont ils descendent : nous.



« Voici leur âme : saisissez-la. »



Ainsi dans les pages suivantes, l'auteur souhaite dépeindre l'humanité au 21ème siècle. Ambitieux donc. À vrai dire, ce genre de préambule explicatif me laisse en général dubitatif. On se délecte davantage dans l'insinuation à mon sens.
Bref, parti pris littéraire ou peur de perdre trop vite le lecteur inattentif, c’est à déterminer ; mais le ton et le propos me plaisent, alors j'achète (la collection Zulma et sa ligne éditoriale que j'affectionne ont eu aussi leur poids dans la balance !).


Aucun regret. C'est un roman qui remue.


Il s'agit du récit de multiples et éclectiques personnages lors d'une journée d'août. Tous sont sur les routes. Tous roulent droit devant eux, concentrés sur leur vie respective. Et tout s'enchevêtre...
En voiture, qui n’a jamais rêvassé en regardant défiler les quidams sur la voie parallèle ? Se demander quelle est leur vie ? Et puis se dire que cela n’a pas beaucoup d’importance, qu’on ne les reverra sans doute jamais. Sans doute…


Marcus Malte illustre ici, par le biais de ce lieu insipide et pratique qu'est une aire d'autoroute, le spectacle fascinant des destins qui se croisent.



« — C'est possible, ça ? Des parallèles qui se croisent ?
— Tout est possible. Le champ des possibles est infini »



C’est un entrelacs d’histoires individuelles qui alimente le propos cinglant d'une société dans laquelle le matérialisme triomphe au détriment de l'humanité. Il s'agit du thème le plus évident, rappelé incessamment par :



  • Le titre des chapitres qui rappellent le modèle du véhicule du/des protagonistes concernés ;

  • La retranscription des radios écoutées dans l'habitacle, évoquant le plus souvent des dérives capitalistes ;

  • L'irruption de slogan publicitaire hertzien en gros caractères, offrant un parallèle caustique avec l'histoire du personnage concerné.


Si l’auteur flirte avec l’idéologie, cela n’en devient pas pesant. Rappelons qu’il entend dresser un portrait de notre humanité. Il ne peut donc pas s’attarder uniquement sur le sujet rebattu de la lutte des classes. Bien d’autres questions touchant à l’humain parsèment ce livre : l’amour, le bien, le mal, la nature, l’amitié, le courage, la faiblesse, le bonheur, l’argent… En voici une liste non exhaustive et dans le désordre ! Encore qu’il n’y ait pas à proprement d’ordre à avoir : tout est dit naturellement à travers l’histoire de ses personnages. La construction est réussie et le portrait est fidèle.


Le tour de force de Marcus Malte est, selon moi, d’arriver à ce que le lecteur ait de l'empathie pour ses héros très rapidement. Ce qui n’est pas une tâche aisée lorsqu’on oscille d’une histoire à une autre à travers une dizaine de protagonistes ! Mais les anecdotes sonnent justes et les descriptions sont d’une lucidité étonnante.


Finalement les personnages, si éloignés les uns des autres soient-ils, jouent pourtant bien dans la même pièce de théâtre. Celle que nous connaissons et qui parfois nous enthousiasme, parfois nous révolte, parfois nous lasse…

Antoine_CRSP
8
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le 23 mars 2020

Critique lue 203 fois

Antoine CRSP

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