Demande pas pourquoi elle est partie sans motif

Cela fait depuis septembre-octobre que je me suis replongée dans La Recherche du Temps avec A l'ombre des jeunes filles en fleur. Et on peut dire que, études obligent, j'ai bien pris mon temps dans la lecture de chacun des tomes. Et me voilà arrivée à Albertine Disparue, le roman noyé au milieu d'autres plus emblématiques. Et là, plouf, lu en une semaine, à trois semaines du concours que je dois passer.

Certes, Albertine disparue n'est pas le roman le plus long de La Recherche, loin de là. Mais ce n'est pas ça qui m'a poussé à le lire d'une traite. D'ailleurs, ce n'est jamais cette raison qui prime. Tout bêtement, Albertine disparue m'a parlé.

Albertine a quitté le narrateur, du jour au lendemain. Le choc. Il lui faut s'accoutumer à cette absence avec toutes les difficultés que cela lui représente, à lui dont la jalousie le caractérisait tant. Puis il doit faire face au fait de ne plus jamais la revoir. Pour une fois, on comprend le narrateur. Pire, on se reconnaît en lui. Qui n'a jamais essuyé une rupture difficile ? Aussi infernal était-il avec Albertine, c'est lui qui nous raconte les événements. C'est lui qui exprime ses sentiments. C'est avec lui qu'on compatit.

C'est vraiment à partir de là que la Recherche prend une autre dimension. De l'oeuvre rétro et introspective, on arrive à un roman universel. Les soirées chez les Guermantes t'ont emmerdé ? C'est tout bonnement parce que l'univers était celui du narrateur et pas le tien. Mais le dépit amoureux, ça te parle, ça me parle, ça nous parle à tous. Et on peut compter sur Proust pour magnifier tout ça et sans lourdeurs rédhibitoires ici.

Et pour ne rien gâcher, le livre est bourré de révélations de tout genre qui éclairent autant les tomes précédents que celui à venir. C'est une des raisons pour laquelle j'adore ce livre, mais au fond il me gêne un peu : avec ses renvois, il est difficile de le lire à part, comme certains le font pour les Jeunes filles en fleur ou pour Sodome et Gomorrhe. Et c'est d'autant plus rageant qu'à côté de ça, il y a vraiment un propos sur la rupture qui mérite d'être lu, et même par ceux qui n'ont pas l'envie de lire cinq tomes au préalable.
Nolwenn-Allison
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le 17 mars 2014

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Nolwenn-Allison

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