Alcools
7.6
Alcools

livre de Guillaume Apollinaire (1913)

Mélange de lyrisme et de mélancolie, avec une pointe de nostalgie, « Alcools » de Apollinaire semble dans ses registres un recueil de poésie typique. Pourtant, avec l’évocation mythologique des dieux gréco-romains, des rois oubliés et une écriture volontairement désuète, le poète confère à son œuvre un charme comme suspendu et perdu dans le temps, semblant venir d’une autre époque. Et puisqu’il décrit ses errances en s’éparpillant souvent, quitte à passer du coq à l’âne, pourquoi ne pas faire de même avec cette critique ?


Nombreux de ses poèmes expriment le regret
Une absence non comblée
D’autres font l’éloge des morts
Funeste, morbide mais étrangement attirant
D’autres enfin se promènent, observant les femmes
Avec admiration, bien entendu.


Certains poèmes suivent une continuité logique et astucieuse, l’un évoque ce que va développer le suivant, rendant la lecture d’autant plus réjouissante. Et permet de plus de contraster avec le reste du recueil, à l’ivresse nettement plus désordonnée. A savoir que le procédé est réutilisé en dernière partie de manière plus classique et convenue avec « Le Bestiaire ».


Apollinaire s’attaque même à des poncifs poétiques, comme la rose ou l’automne, voulant les décrire d’un œil neuf et semblant les détourner pour mieux s’en affranchir. Le pari n’est qu’à moitié réussi, car si le poète évite d’agacer le lecteur avec des thèmes ultra-rabâchés, grâce à une écriture et des métaphores atypiques, cela enlève tout de même un peu de personnalité à certains poèmes.


En s’adressant directement au lecteur par le « je » et même l’évocation de son prénom Guillaume, le poète confère une dimension plus intimiste et personnelle au recueil.


Il retranscrit en tout cas parfaitement dans son écriture les errances de l’alcool, car nombres de ses poèmes sont fouillis et partent dans tous les sens. Dans son propos il aborde moins les effets de l’ivresse que ses causes. Pourquoi boiton ? Pour oublier des souvenirs douloureux, des personnes disparus, laissant place à une solitude morose.


Le désordre de l’écriture d’Apollinaire empêche d’être captivé par les poèmes de bout en bout, mais l’attention vient au fur et à mesure de la lecture, comme l’ivresse vient au fur et à mesure de la diminution de la bouteille. C’est pour cela qu’ « Alcools » doit se lire avec le moins de pauses possible, pour rester plus sensible aux poèmes proposés.


Du coup, certains paraissent sans but et marquent peu, tandis que d’autres laissent admiratifs.

Marius_Jouanny
7
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le 20 juil. 2015

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Marius Jouanny

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