Un bel écrin, de belles promesses d’interviews et de papiers enrichissants sur la littérature US. Puis t’ouvres le truc, et là tu te sens baisé : America ne parle pas vraiment littérature. En fait si, il en parle un peu, mais toujours pour la recentrer sur une vision fantasmée de l’Amérique.


En lisant le magazine, on a l’impression que toute la littérature US, de London à McBride, se construit en réaction à Trump. Un maelstrom de pensées, de courants, de styles, réduit à un seul discours.


Nul doute que Busnel aime la littérature américaine. Il est d’ailleurs capable de me faire découvrir des trucs. C’est toujours ça à prendre. Mais le bonhomme se sent investi d’on ne sait quelle mission, pour nous montrer à nous, lecteurs français, quel territoire réactionnaire est devenu l’Amérique.


Ici, l’interview de John Irving est un bel exemple de ce qui ne va pas. Un Busnel obnubilé par Trump, qui pousse du coude son interlocuteur pour l’amener à parler de son président. Trump par ci, Trump par là. À un moment même Irving souhaite passer à autre chose, parler littérature par exemple. Mais Busnel retrouve toujours l’occasion de recentrer le sujet. Infoutu de proposer une lecture plus vaste de l’oeuvre d’Irving. On est presque mal à l’aise face à cet échange, qui doit faire passer les français pour de sacrés cons - pourtant difficile d’être plus con qu’un américain.


On se rabat alors sur les docus, mais on oublie vite. Car on aura rarement lu des reportages aussi nuls. Pas de politique ici. Seulement une vision biaisée et partisane. Le genre de discours qu’on tenait en cours d’anglais à la fac (Blacky tu vois de quoi je parle hein ?).


Certes, tout n’est pas à jeter. Après tout, on fera connaissance avec certaines réalités du pays, on circulera entre les assos, les voix qui s’élèvent, les mouvements actuels. Ok, très bien. Mais à ne donner la parole qu’à l’Amérique anti-Trump, on oublie l’autre Amérique. On ne montre qu’une partie du paysage. Les bons opprimés, pas les mauvais.


En fin de compte, la ligne éditoriale partisane du magazine produit l’effet inverse : l’impression que Trump est une aubaine pour pleins de gens. Il est la parfaite occasion pour eux de faire passer l’Amérique pour une terre de facho rétrograde, l’enfer des nobles de coeur, le retour des heures sombres, le venin insidieux qui pourrit le pays. L’heure est grave mes amis ! Alors qu’on sait tous que, médiatiquement au moins, Trump est considéré comme un guignol, et que le fascisme actuel vient du bord adverse. Et cela, le magazine de Burnuel (oui j’ai fait exprès) évite d’en parler, ou n’en parle qu’à mots doux.


Le seule chose à retenir alors, c’est le dossier final qui balance plusieurs idées de lectures. Plutôt chouettes tant elles sont variées.

-Alive-
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le 11 févr. 2020

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-Alive-

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