American Gods nous invite à une relecture de notre histoire, l’ancien et le moderne. Neil Gaiman a décidé de les opposer dans un même récit. Les anciens dieux vivent de petits boulots dans des décors sales et passés, ça en est même glauque parfois ;alors que les nouveaux se déplacent en limousine avec une arrogance de gangsters des années 30. Ce sont bien deux visions du monde qui s’opposent alors. Les anciens dieux ont soif de sacrifices, de guerre et d’honneur alors que le récent panthéon parodie notre civilisation actuelle et par conséquences nous, lecteur : soif d’actualité, de Giga-bytes de données, d’informations et de divertissement. Les deux camps se font face pour la bataille et les Hommes en sont au centre.
Toutefois, Ombre ne fait pas tout le temps son job de héros notamment au niveau des émotions. Au début du livre par exemple, alors que les enjeux du livre sont décrits et les personnages dévoilés, la réaction de Ombre est de rester stoïque alors que la majorité des personnes aurait contesté que l’on se moque d’elle ou bien harcelé les divinités de questions sur la Vie et la Mort mais elle ne serait sûrement pas resté fermée comme Ombre. Il reste la majorité du temps soumis aux événements sans en être soit moteur ou acteur. Lakeside en est un autre exemple, Ombre est ballotté tout le temps et fait plus office de fil rouge que de personnage principal. La fin du livre nous révèle enfin le potentiel d’Ombre et sa grandeur d’âme. Il n’en reste pas moins attachant tout au long du livre.
Mais d’autres protagonistes donnent aussi sens au livre comme le Bison, ce personnage mystérieux qui apparaît dans les rêves, est plus que ne semble faire passer Neil Gaiman.
Neil Gaiman a réussi à donner de la profondeur à son récit en le mettant en perspective dans l’Histoire et même dans les moments les plus tragiques comme l’esclavagisme. Le lecteur de prendre du recul sur le récit et nous fait respirer et regarder plus loin dans l’Histoire de l’Humanité. Cela légitimise aussi la mythologie du récit.
C’est une histoire qui garde un bon rythme tout le long du livre. Road-movies oblige, les lieux changent et donnent assez de dynamisme et de respiration au lecteur. On voyage avec eux dans leur van crasseux et leurs vieilles voitures. L’ambiance est, elle aussi, réussie et variée. On rentre dans des appartements qui sentent le tabac froid et à la tapisserie dépassée et dans des mondes sacrés. Quant à la fin, elle n'est ni trop peu pour ne pas être déçu, ni trop pour être la surestimer. L’histoire se démêle dans une vérité que l’on soupçonnait parfois avec quelques indices éparpillés le long du roman. Elle reste tout de même surprenante et bien écrite et on y est quand même frappé.
Neil Gaiman a fait preuve d’une imagination fournie et a accouché d’une fable mythologique qui me marquera sûrement. L’écrivain a dosé avec réussite le réalisme du monde actuel, ses attentes et sa spiritualité et les aspirations de notre société. « Quelle valeur je défends » répond à la question « quel camp aurais-je choisi ? » mais les dernières paroles du Bison, personnage mystique du livre sont encore dans mon esprit.