American Psycho est un livre brutal, très violent et sans concession : Bret Easton Ellis nous immerge dans le quotidien, ou dira-t-on l'esprit, de Patrick Bateman, jeune trader new-yorkais qui partage son temps libre entre des soirées à dîner dans les meilleurs restaurants de la ville... et l'assouvissement de pulsions meurtrières en tuant (décapitant, coupant, violant etc.) ce qui lui tombe sous la main. Tout y passe : du clochard et son chien à son ex-petite amie, un gamin dans un zoo, un collègue de travail, des prostituées.. Bref, tout le monde en prend pour son grade, et l'ambiance devient vite morbide.
Le livre est rude, cru dans le traitement du récit: le roman étant intégralement à la première personne, aucun détail ne nous ait épargné par Bateman. Etant complètement dépourvu de toute émotion propre à chaque être humain, il fait preuve d'une superficialité sans pareille, détaillant sans cesse ses différents costumes ainsi que son dernier équipement hi-fi à la mode. Tout ceci permet de mettre en lumière son réel manque d'empathie, symptôme présent chez tous les sociopathes, puisque les seuls moments où il semble éprouver un sentiment à l'égard de quelque chose se situe dans sa passion pour le groupe de musique Huey Lewis and the News.
Son mode de vie débridé est constitué de cocaïne, repas gastronomiques et séances de sport... Le parfait stéréotype du jeune américain à l'ère où les self-made men sont remplacés par des requins de la finance. Le début du roman se retrouve alors surchargé par toutes ces informations, insignifiantes pour la compréhension du récit mais essentielles pour cerner le profil psychologique du personnage principal.
Vient ensuite les scènes de torture/meurtres... Je l'avoue, certaines étaient tellement détaillées et précises, poussées à l'extrême, que je ne les lisais qu'en diagonale pour ne pas avoir à imaginer les scènes dans ma tête. Bateman élabore des supplices toujours plus élaborés, et prend un plaisir incommensurable à faire du mal. La scène des deux filles et du rat était particulièrement éprouvante à lire. C'est sans doute l'accumulation de ces scènes ainsi que l'aspect si superficiel, pourtant nécessaire au livre, qui m'ont le plus rebutés, et qui m'ont empêchés d'apprécier le livre à sa juste valeur.
Cependant, vers la fin, alors que l'on pense que le livre n'a apporté aucune remise en question, et ne contient qu'une critique implicite de l'Amérique (ultra-froide, qui ne fait preuve d'aucun sentiment et qui se cache derrière une façade parfaite), le livre apporte une nuance.
En effet, le livre laisse supposer dans quelques passages que tous ces meurtres ne sont que le fruit de l'imagination, et cette hypothèse devient encore plus crédible à la fin, allant même jusqu'à être la théorie finale principale. Patrick Bateman est donc simplement schizophrène, et n'a jamais vraiment tué toutes ces personnes autre part que dans son esprit dérangé. Cet aspect est plus visible dans le film tiré du livre notamment (avec Christian Bale, impeccable puisqu'assez flippant).
Au final, American Psycho est un livre vraiment très original et intéressant, qu'il faut au moins avoir lu une fois pour se faire une idée. La critique sociétale sous-jacente de la décadence américaine est présente, mais ce qui caractérise vraiment cette oeuvre est le style d'écriture contemporain de son auteur, ici un modèle du genre poussé à son paroxysme. Ce n'est cependant pas un livre que je recommande de mettre entre les mains de n'importe quel lecteur, et s'adresse plutôt à un public déjà habitué du genre, dont l'aspect ne rebuterait pas dès les premières pages.