Péché coupable

J'éprouve un rapport étrange avec les écrits de Franck Thilliez, une sorte de dichotomie culpabilisante. D'un coté, je trouve le style trop basique, aucun forme particulière, on pourrait lire cela comme on lit la notice d'une bombe désodorisante dans les toilettes (occupation toute particulière, mais il y a parfois nécessité d'occuper l'esprit à la lecture dans ce lieu propre à l'intimité....), on s'emballe pour l'écriture de l'oeuvre. La forme est on ne peut plus simple, les phrases sont courtes, pas d'effet, pas de fioriture, on n'est pas là pour ça. Adeptes de phrases lyriques ou de long monologue en alexandrin, passez votre chemin! C'est cet aspect là qui m'ennuie un peu, d'ou ma culpabilité, on sent bien en lisant un Thilliez qu'on ne s'élève pas vraiment au niveau de la forme, que c'est un plaisir facile.

Car oui, malgré ce que je considère comme un handicap, il y a un plaisir et heureusement! C'est bien entendu le fond, le rythme du récit qui lui est ingénieusement construit de tel sorte qu'il est vraiment difficile de lâcher le livre une fois la lecture amorcée. Le talent de l'auteur est bien ici, dans l'architecture de l'ensemble, qui tient à un savant mélange entre un ménagement du suspens et l'investigation d'un sombre événement historique. Les mécanismes sont systématiquement les mêmes pour toutes ses œuvres mettant en scène son personnage Sharko. Mais la recette fonctionne parfaitement et c'est toujours un plaisir de découvrir un fait historique un peu honteux et sombre au fil d'une enquête policière.

Les ficelles sont parfois un peu grosses mais on se laisse toujours prendre dans ces filets. Ce qui est curieux c'est que je retrouve pas mal de point commun avec Weber (tous deux font d'ailleurs partis du collectif "La ligue de l'imaginaire"), dans un coté un peu 'adolescent' d'écrire des histoires, adolescent dans le plaisir de l'écriture, on le ressent, une forme de générosité et l’intérêt pour des thèmes un peu "Série B" (les sociétés secrètes, le mysticisme etc...). Mais cette aspect juvénile me parait être un avantage dans un milieux littéraire un peu policé et qui se prend rapidement au sérieux en perdant de vue l'aspect "plaisir" de lecture.

Pour conclure, je recommanderais donc ce livre, mais plus dans la suite de la lecture des précédents, permettant ainsi de s'assurer de l’intérêt pour ce type de lecture plaisir (coupable..).