Je viens de relire l'Antigone d'Anouilh, espérant me laisser séduire cette fois par la pièce. Au lycée, j'avais été à la fois touchée et dérangée par cette oeuvre et par l'interprétation qui en était présentée. A nouveau, cela n'a pas loupé.
J'aime beaucoup - pardon, j'adule - la pièce de Sophocle. Elle représente les lois des hommes au dessus du pouvoir de l'homme, elle montre une opposition franche et construite à la tyrannie, à l'aléatoire, par quelque chose qui est de l'ordre du droit naturel contre le droit positif. Créon est un despote, Antigone une opposante courageuse bien que féroce. C'est plus simple ; à la fin de la pièce, on se dit que Créon l'a bien mérité.
Avec Anouilh, c'est presque l'inverse. Antigone est une adolescente rebelle, contre le monde des adultes, contre l'ordre, contre elle-même. Créon est un pauvre vieux, qui bien que cruel provoque la pitié. Certes, Antigone a raison ; mais Créon est raisonnable.
La comparaison avec l'Occupation et la Résistance, de ce fait, me dérange. Je l'aurais trouvée plus à propos avec la pièce d'Électre, par exemple : Électre en résistante, Oreste en Général de Gaulle, Clytemnestre pour l'occupant, Chrysothémis pour le reste de la population.
Les principes de la tragédie classique sont tenus à la lettre. Depuis la prédestination, jusqu'à l'absence absolue d'espoir, en passant par le long récit du Messager. La machine infernale est en place et les rouages en sont huilés.
Les passages que j'ai trouvé touchants à en avoir les larmes aux yeux sont les échanges entre Antigone et Hémon. Les passages que j'ai honnis sont les échanges entre Antigone et Ismène. Quant à ceux d'Antigone et Créon, je me dis que peut-être je ne comprends pas tout, et que c'est pour cela qu'Antigone m'est si détestable. Peut-être est ce parce que j'entrevois dans les réponses de Créon les réponses que je pourrais faire à un élève explosif.
Peut-être est ce parce que je suis devenue trop adulte et trop conformiste.