Athalie
7.1
Athalie

livre de Jean Racine (1691)

" Que les rois dans le ciel ont un juge sévère, l'innocence un vengeur, et l'orphelin un père. "

J'ai connu Athalie en Seconde, et elle était ma première tragédie de Racine. Il y en a qui étudient Phèdre, il y en a qui étudient Le Bourgeois Gentilhomme, il y en a qui étudient Candide, moi, j'ai étudié Athalie. Et depuis je me brosse les dents avec du concentré de théâtre tous les matins, et, aussi fou que je suis, je me suis mis à relire Racine dans la dynamique la plus profane, désintéressée, et spectaculaire, afin de retrouver toutes les saveurs d'un spectateur dixseptièmiste devant la violence des passions, devant l'horreur, devant la beauté des vers et toutes les conditions de représentation.

Et, après de nombreuses tragédies que j'avais eu la chance de voir préservées de l'analyse absolue et forcée des cours du secondaire, j'ai retrouvé dans Athalie le plaisir absolu devant cette dernière pièce et ces derniers vers de Racine. Influence judaïque, beauté des noms (je veux appeler mon fils Joad (mais je n'aurai pas de fils, je ne jure que par une fille que j'appellerai Esther)), beauté de la foi, beauté de la violence, en témoigne l'horrifique songe d'Athalie de l'Acte II Scène V. Athalie est décrite comme un personnage monstrueux et chacun de ses vers suscite l'horreur. Personnage que l'on a peur de découvrir, couplé à Joas, roi des Juifs qui s'ignore, et qu'Athalie a elle-même peur de découvrir. La révélation de Joas en tant que roi est une ode au spectacle et à la mise en scène de ce qu'on pourrait appeler cruauté, au XVII° siècle comme aujourd'hui. D'une grande modernité, concluant près de trente ans de production dramatique de Racine, Athalie conclut, par sa qualité de deuxième pièce biblique, quasi-testamentaire (mais je ne me prononcerai pas puisque les influences de la vie et de la volonté de l'auteur sont mes pires ennemis), l'intégralité du travail de Racine et semble englober toutes ses autres pièces. Seule la passion amoureuse est complètement exclue, ce qui change tellement que cela semble manquer dans la pièce, mais la tension grandissante ne peut que se mêler parfaitement à la beauté des vers, qui marquent, à mon sens, plus que dans d'autres pièces — hormis Andromaque, qui est hors-concours.

On ne pouvait estimer mieux pour le couronnement de Racine, et la préface devrait être lue par l'Éducation Nationale, dont les idéaux sont à mille lieues de l'intérêt que donne l'auteur à ses pièces, qu'il explique en à peine deux pages, faisant presque preuve d'un dilettantisme presque ironique — à quoi sert ce besoin de se justifier ? Avec celle de Bérénice, la préface d'Athalie est un des plus beaux pieds-de nez à l'histoire du théâtre, et la pièce en elle-même est un des plus beaux théâtres.
Ashen
9
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le 19 mai 2013

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