La Mongolie : état qui profita de la chute de l’empire chinois et de l’arrestation de Puyi, le dernier empereur mandchou, pour proclamer son indépendance en 1911. Etat qui fut de nouveau envahi de tout côté six ans plus tard lorsqu’à la suite de la révolution russe de février 1917, les « blancs » se réfugièrent de l’autre côté de la frontière. « Blancs » qui furent aussitôt poursuivis par les « rouges » qui pénétrèrent à leur tour sur le sol mongol, bientôt rejoints par les chinois qui sautèrent sur l’occasion de reconquérir leurs anciens territoires. Pour parachever cette embrouillamini extrême oriental, les autorités mongoles largement dépassées ont dû faire avec le Japon et ses vues expansionnistes. Désireux de conquérir le monde (rien que ça – et il n’abandonna cette utopie qu’à la suite de son effondrement en 1945), le pays du soleil levant était convaincu qu’il devait d’abord poser un pied sur le continent en envahissant la Chine voisine et avant cela de s’approprier la Mongolie, plus faible. Aussi mandata-t-il le baron Urgen von Sternberg, surnommé le « baron fou », et sa troupe de cosaques (pro-« blancs ») d’aller semer un peu plus la pagaille (pas évident à suivre tout ça).
C’est dans ce climat pour le moins confus que s’ouvre le livre de Ossendowski, en 1920 au moment où l’on vint prévenir l’auteur que les soldats de l’Armée Rouge arrivaient pour l’arrêter. Nous sommes en Sibérie russe, à Krasnoïarsk en plein hiver, et l’auteur n’hésita pas à s’enfuir précipitamment pour se réfugier en forêt seulement muni d’une bonne parka, d’un fusil et de quelque argent. Géologue et universitaire, l’homme est aussi aventurier sur les bords. Une errance boréale commença : slalomant entre les patrouilles bolchéviques (décrites comme la lie de la société), il franchit à son tour la frontière, bien décidé à traverser la Mongolie et une partie de la Chine pour rejoindre le port le plus proche ouvert sur le Pacifique. Une bonne balade en perspective.
Mais ayant appris que les chinois de Mongolie sympathisaient avec les amis de Lénine, Ossendowki changea ses plans et décida de piquer plein sud au lieu de partir vers l’est. Traverser la Mongolie dans la largeur, les hauts plateaux chinois, le Tibet (orthographié « Thibet » dans ce récit) et se faufiler dans les passes himalayennes pour rejoindre les colonies britanniques de l’Inde. L’entreprise était jugée difficile (voire dangereuse, et c’est un euphémisme), mais ce gars-là ne doutait de rien. Et c’est à la tête de sa petite troupe constituée de soldats « blancs » en déroute accrochés au train en cours de route que l’aventurier s’aventura. Si le désert de Gobi n’a qu’à peine freiné sa progression, les bandits qui infestaient le plateau tibétain eurent raison de son entreprise hasardeuse, l’obligèrent à faire demi-tour, à revenir en Mongolie occidentale et à se réfugier dans la ville de Ouliassoutaï. Là, Ossendowski se trouva fort marri : le sud avait failli lui être fatal ; le nord bolchévique lui était interdit ; l’ouest était aux mains des chinois du Kirghizstan. Quant à l’est, une guerre civile venait d’éclater en Chine (1921) rendant la zone plus périlleuse que jamais…
Ossendowski mit 18 mois à rejoindre Pékin d’où il put enfin quitter l’Orient et rentrer en Pologne. Au cours de son voyage, il décrit abondamment les paysages traversés, les interminables forêts de conifères, les fleuves géants pris dans les glaces hivernales depuis l’embâcle d’automne à la spectaculaire débâcle printanière. Il parle de ses rencontres avec les autochtones qui l’accueillent sous la yourte, des tribus soyotes pacifistes, des mongoles résignés, des cosaques belliqueux, des bouriates, des kirghizes, des tibétains et autres kalmouks. Une large place est réservée au bouddhisme et au lamaïsme, omniprésents dans ces contrées et dans le récit. Evocations des traditions, us et coutumes, croyances et autres superstitions, mythologie et hiérarchisation des différents courants religieux : on croise ainsi des personnages hauts en couleur comme le Bouddha vivant de Ourga (le Bogdo Khan), le Houtouktou de Narabanchi… Nombreuses sont les références au Dalaï-Lama, et à d’autres personnages historiques comme Gengis Khan et son petit-fils Kubilaï Khan. Mais, personnellement, il m’a manqué une vision d’ensemble sur ces religions pour pouvoir remettre à sa place chaque point abordé par l’auteur. Beaucoup me sont passés bien au-dessus de la tête, comme cette référence ésotérique du dernier chapitre sur le Royaume souterrain et du Roi-du-Monde à laquelle je n’ai pas compris grand-chose.
Somme toute, un récit d’aventures intéressant qui m’a permis d’apprendre beaucoup de choses sur cette région du monde. Beaucoup de détails que je risque d’oublier à brève échéance, relatés d’une manière fort conventionnelle et d’une écriture sans attrait particulier.
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le 29 nov. 2013

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