De temps à autres, je prenais le livre sur une des étagères du CDI de mon collège. Sa couverture absolument affreuse me terrifiait. On y voyait un petit garçon en ciré jaune, le visage tordu de douleur alors que son bras enfoncé dans la bouche du caniveau était en train d'être arraché. Au dessus de lui, un clown tout sourire tenant des ballons à la main. C'était la couverture de Ça, premier tome. Dans mon collège, on parlait aussi du téléfilm Ça et comment un des élèves de ma classe avait peur de se laver depuis qu'il avait vu le film.

Des années plus tard, après avoir survécu à la lecture de deux livres de Stephen King et sur les conseils d'un ami, je me lançais dans la lecture de Ça, enfin. J'ai donc été particulièrement touché par les deux histoires croisées séparées par 27 ans, y voyant très égoïstement un écho à la mienne. Moi aussi, je décidais, à ma façon d'affronter les peurs de mon enfance. Littérairement, j'ai beaucoup aimé la structure du livre qui mélange passé et présent de manière assez astucieuse. Le début est assez difficile à suivre avec la multiplication des personnages et points de vue, mais le livre atteint assez rapidement son rythme de croisière. Le style de King en anglais est plutôt bon et le découpage vraiment intéressant. S'il ne rend pas la lecture aisée, il donne envie de tourner la page rapidement. Et puis c'est agréable de lire un livre dont la structure n'est pas linéaire, d'autant plus que la forme trouve sa justification dans l'histoire.

J'ai cependant été un peu déçu par ce livre. Peut être que j'en attendais sûrement trop, mais je n'ai pas eu vraiment très peur. Ce que j'imaginais depuis des années en contemplant avec envie et dégoût le clown squelette de la couverture du second tome était sans doute plus affreux et plus terrifiant. Les recommandations d'un ami (ne t'attache pas trop aux personnages !) m'ont conduit finalement a espérer un final plus sanglant et plus terrifiant. Stephen King réussit particulièrement bien à faire monter la sauce avec une gradation lente, une lente montée vers une inéluctable apogée... qui finit somme toute par décevoir. Bien sûr, c'est le voyage qui compte et pas la destination, mais il n'empêche... alors qu'il ne me restait que plus que quelques pages à lire, je me demandais si la conclusion allait me satisfaire. En un sens, oui, mais je voulais avoir peur. En fait, il est possible que ce que je recherchais était une validation de mes peurs enfantines. Je voulais dire à mon moi de 12 ans qu'il avait raison de toucher avec dégoût les couvertures jaunies des livres de poche. En fin de compte, je ne peux que me reprocher ma pusillanimité enfantine.

Au final, il ne faut pas prendre ce livre pour un récit horrifique uniquement. Ce serait passer à côté d'un livre qui joue plutôt avec les cordes de l'angoisse, qui s'interroge sur le rôle de la mémoire, qui présente des idées intéressantes mais qui surtout confronte passé et présent. Il vous rappellera sans doute ce que ça faisait que d'être un gosse et pour cela, il vaut carrément le coup.
Hameçon
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le 2 juil. 2012

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