Brussolo (Serge de son prénom) et moi, c'est une longue histoire. A même pas dix ans, j'empruntai le premier tome de "Peggy Sue" à un cousin ; puis au fil des publications j'ai suivi la série, avant de me désintéresser après sept ou huit tomes - et encore, si j'ai continué jusque là, c'était par pur espoir que l'enlisement subi par l'héroïne et la série ne soit que passager. Je m'orientai alors vers les aventures de Sigrid et ses mondes perdus, mais la désillusion vint encore plus rapidement - au bout de trois, quatre tomes peut-être. En grandissant, mon grand-père me conseille ses livres "pour adultes", j'en lis alors un ou deux, peut-être trois, ne retrouve que le côté malsain des livres pour enfants sans leur débauche d'imagination et d'innocence, abandonne. "Cauchemar à louer" faisait déjà partie de ces quelques lectures, et avant de le relire il y a quelques jours, il m'était complètement sorti de l'esprit - c'est dire !
J'ai maintenant 24 ans, et c'est encore une fois mon grand père qui me conseille - à moi, savourant désormais les virtuoses du style, les fondateurs anciens comme nouveaux, Damasio et Hugo, Tolkien et Barjavel, les classiques et toustes celleux qui sortent des sentiers battus du fantastique, de la SF et de la fantasy, Ambrose Bierce, William Hope Hodgson, Ursula Le Guin : "et Brussolo, tu aimes ? Tiens, lis-donc celui-ci, moi je l'adore !" et à me tendre innocemment "Cauchemar à louer".
Il n'aurait pas du.
Ce bouquin est une daube à grand spectacle, dont l'intrigue ne se tient qu'à peine, avec des sentiments à en dégueuler, du sexe pas bien écrit - et malsain, en plus - "parce-que ça fait vendre". Tout est de trop. On dirait que l'auteur a mis des thèmes de films hollywoodiens à gros budget dans un chapeau, qu'il en a tiré au hasard une demi-douzaine, et qu'il s'est donné le défi d'en faire un roman haletant (et profondément psychologique, en plus, soyons fous).
Je vous dis "une météorite aux pouvoirs mystérieux", "des loups-garous féroces terrorisant la population locale", "de vieilles légendes amérindiennes", "une maison isolée et hantée depuis cent ans", "une malédiction enchanteresse n'ayant prise que sur les adultes" ; ça donne envie, non ? Maintenant, mélangez tout, avec des grumeaux - toutes les incohérences de quelqu'un qui a pleeein d'idées mais la flemme de les approfondir afin de tendre au réalisme (c'est bien Brussolo ça), une bonne dose de racisme, sexisme et homophobie latentes (faut bien être en accord avec ses lecteurs, et puis ça fait mature), un scénario qui se tient mais cousu au fil blanc, un paysage américain cliché en arrière-plan, des relations entre personnages qui, lorsqu'elles sortent du superficiel, plongent directement dans la démence, du gore et du cul pour faire oublier les faiblesses scénaristiques…
Ca explose de partout, bam, bim, radiations, malédictions, orgies, drogue, chairs qui se déchirent, bébés cannibales, et puis bien sûr ça finit mal parce-que, comme ça, le trauma de la fin nous fera oublier la médiocrité de l'ensemble. Oh, et le héros (de douze ans) s'en prends plein la gueule, âmes sensibles s'abstenir : entre lynchage, persécution, torture psychologique, profanation de son intimité, viol sur la place publique, exhibitionnisme incestueux... Le seul point commun que j'ai avec lui, c'est trente cinq agrafes dans la chair, et l'envie de tuer tous les personnages du roman.
Une mention spéciale à la temporalité si particulière : à plusieurs reprises, les descriptions donnent à croire que plusieurs semaines s'écoulent (cheveux et barbe qui poussent, habitudes qui s'installent, appréhension diffuse qui s'enracine peu à peu étayée par des faits épars) avant que l'auteur ne nous ramène sur le droit chemin avec un bon vieux "le surlendemain, …".
A part ça, on retrouve le thème préféré de Serge, les chairs déformées et obscènes, ça, il le fait très bien. On dirait "body horror" dans le jargon de notre époque.
Voilà, c'est tout pour moi, et si c'est ça le fleuron du Brussolo pour adultes, je m'abstiendrai de m'y plonger à nouveau.

ize
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le 18 févr. 2019

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