Le roman de François Garde, son tout premier, aussi difficile que cela soit à croire, eu égard à sa maîtrise narrative et à son style délié et très agréable, son roman, donc, s'intitule Ce qu'il advint du sauvage blanc et non Ce qu'il advint du blanc devenu sauvage. Ceci mérite explications. Le héros du livre est un marin, abandonné dans une baie australienne inhabitée, en 1843, et récupéré, par hasard, par l'équipage d'un navire anglais quelque 18 ans plus tard. Que s'est-il passé entre temps ? François Garde (ne) nous le raconte (pas) à travers deux récits qui se succèdent avec la régularité d'un métronome. D'une part, les premiers jours, solitaires, puis au sein d'une tribu de "sauvages" du matelot largué ; d'autre part, le compte-rendu d'un scientifique français qui a recueilli et apprivoisé ce même homme méconnaissable, incapable de s'exprimer (après sa réapparition) et amnésique (ou pas). Ce procédé de juxtaposition de deux époques, s'il se révèle agaçant dans bon nombre de romans, est ici subtilement dosé et ajoute un certain suspense à un livre qui ne s'essouffle jamais et possède bien d'autres qualités. La crainte de lire une énième resucée de Robinson Crusoé ou une nouvelle version de Kaspar Hauser s'évanouit vite. Rien à voir. Outre ses questionnements sur ce que représente l'identité, la différence, le langage et la liberté, ce roman d'aventures a toutes les vertus d'un ouvrage philosophique qui est aussi riche dans ce qu'il évoque et laisse imaginer, que dans ce qu'il décrit avec précision. Plusieurs chapitres se démarquent par leur ironie tranchante et leur humour ciselé, comme celui de la présentation du "bon sauvage" à l'assemblée de la Société de Géographie, ou encore l'entrevue avec l'impératrice Eugénie, elle-même. Le plus fort est que le livre ne fait qu'effleurer le mystère de ce que vécut ce blanc naufragé au contact des indigènes. Cela pourrait être frustrant pour le lecteur, ce n'en est que plus excitant pour son imagination.

Cinephile-doux
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le 26 avr. 2017

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Cinéphile doux

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