Ce qui est souvent un peu chiant avec les thriller post apo pleins de zombies/infectés/insérer ici le nom de votre maladie fétiche, c'est qu'ils se concentrent souvent sur l'action et les humains survivants, la bestiole d'en face étant utilisée pour le petit coup de pression - ou de dent - qui va bien. Et je suis vraiment pas fan de cette approche, je n'aime pas que la menace soit réduite à une menace, justement (une menace très con, on va pas se mentir, je rappelle qu'un zombie peut être arrêté par une porte. C'est les jeux vidéos qui le disent, pas moi).


Donc, le synopsis de ce livre m'a laissé entendre qu'il serait un poil plus subtil. Et manifestement, j'ai bien entendu.



Mangez-moi, mangez-moi, mangez-moiiiiiiiiiiiii



Mélanie, qui n'aime pas tellement son prénom mais s'en accommode, vit dans une minuscule cellule dont on la sort tous les jours pour l'emmener en classe. Sanglée, maintenue sur un fauteuil, comme une dizaine d'autres camarades, et ce depuis qu'elle est toute petite. Elle ne connaît rien d'autre que ces murs et les gens qui administrent le bloc, dont l'institutrice Helen Justineau, l'une des rares à manifester de la tendresse pour ces enfants qui semblent terrifier tous les autres. De fil en aiguille, l'esprit particulièrement agile et brillant de Mélanie noue les informations qu'elle parvient à arracher à ses professeurs : des allusions au monde extérieurs, des scènes où elle voit ses camarades se transformer en bête sauvage... Jusqu'à ce qu'inévitablement, elle découvre ce monde extérieur et ce qui lui est arrivé.


Le livre ne ménage pas vraiment son suspense sur la nature de Mélanie des autres enfants, ce résumé ne vous spoilant rien de plus que le synopsis de la couverture. Bien qu'écrite essentiellement du point de vue de Mélanie - pour s'arrêter de temps à autre sur les différents protagonistes afin de faire avancer le récit et lui permettre de conserver une touche plus cynique - l'histoire abat ses cartes assez tôt.


Du moins, en partie.



Les sentiments sous un microscope



Car l'incertitude sur la nature réelle de Mélanie et des autres enfants et les raisons de leur existence sont le fil rouge de ce thriller : pourquoi est-elle un chaînon entre le monde d'hier et celui d'aujourd'hui, la "cassure" est-elle irréversible ? Qu'est--il advenu des bases principales des humains, luttant contre l'épidémie ? Le récit se réduit au cercle fermé de ses personnages, progressant centimètre par centimètre en maintenant une pression constante. Pas d'énorme débordements d'action, les quelques scènes qui émaillent l'histoire font davantage ressortir l'impression de destins suspendus à un fil minuscule, ballotés par des évènements qui les dépassent totalement.


L'écriture a quelque chose d'assez froid, presque chirurgical - elle se permet par moments des sorties assez techniques sur la parasitologie ou la neurologie, plus pour conserver cette atmosphère de laboratoire de l'espèce humaine plutôt que de verser dans le roadtrip post apocalyptique. Car il s'agit bien ici de disséquer la raison pour laquelle la race humaine en est là : irrationnelle, instinctive, imparfaite. Une nature profonde que Mélanie examine sous le microscope de son extraordinaire cerveau, avec une certaine distance mais non sans forme de tendresse. Car si l'écriture a ce côté pragmatique, elle ne fait pas l'impasse sur l'émotionnel. La relation entre Mélanie et son institutrice, quoi que pudiquement exploitée, a des allures de refuge dans un monde où les repères se sont écroulés depuis longtemps. Par ailleurs, le livre explore toutes les émotions, pas seulement l'amour : l’orgueil, la fierté, la naïveté, le doute, comme autant de processus chimiques aux issues souvent fatales. Pourtant, à aucun moment l'auteur ne donne l'impression de juger ou condamner. Tout ça est humain, se résigne-t-il, on y peut pas grand chose. Non, les émotions ne sont pas une tare mais face à un prédateur, elles sont synonymes de mort.


Je ne dirais rien de la fin - qu'on pressent un peu sans la deviner prématurément - mais elle clôt l'histoire sur un constat doux-amer parfaitement en phase avec le message du livre.


"Celle qui a tous les dons", c'est un excellent thriller, sans longueur, sans faux pas, qui profite de son récit pour autopsier un petit fragment de l'âme humaine. C'est, personnellement, ce que j'attends d'un récit post-apocalyptique.

SubaruKondo
9
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Créée

le 17 déc. 2018

Critique lue 343 fois

SubaruKondo

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