J’avais découvert l’Amie prodigieuse avec l’adaptation télé des deux premiers tomes, qui m’avait déjà beaucoup plu.Voulant connaître la suite, je me suis décidé à lire ce troisième tome et sa lecture m’a transporté et ravi pour plusieurs raisons.D’abord, le fait que Elena Greco soit la narratrice, permet au récit d’avoir une consistance émotionnelle et intellectuelle vraiment , ce dont on se doutait à l’image dans la série quand des passages du livre étaient lus par sa voix-off. Ensuite, ce tome décrit avec nuance le détachement progressif d’Elena de Lila car leurs choix de vie font que l’une reste à Naples tandis que l’autre se retrouve à Florence. D’où le titre évocateur de celle qui fuit et celle qui reste. Logiquement aussi, les liens entre les deux jeunes femmes, entre vingt quatre et trente ans dans cette partie, sont distendus mais oscillent toujours entre chauds et froids, rapprochements et tensions.Ce que j’ai aimé voir, c’est le papillon que devient Elena dans ces années cruciales, le fait qu’elle décide de s’assumer au-delà de sa sensibilité et de sa bonté naturelle, et qu’elle comprend qu’elle ne doit pas suivre aveuglément les tourments de sa famille, de sa meilleure amie et que des événements de sa vie vont faire sens pour qu’elle puisse la mener beaucoup plus à sa guise.C’est une Elena prête à être elle-même quoi qu’il peut lui en coûter. Lila, dont la vie est toujours aussi chaotique, réussit aussi par son pragmatisme à évoluer dans le monde de l’informatique bien que son destin soit toujours autant lié à celui de la famille Solara.Elena Ferrante,en continuant de façonner les liens entre les personnages, et en faisant apparaître de nouveaux, s’efforce de creuser un récit riche pour faire que ce troisième tome est abouti et virevoltant. L’autre dimension sous-jacente que l’auteur rend admirablement bien, c’est la période italienne contrariée des années 70 où fascistes et communistes s’opposent dans la rue et le monde du travail.Elena Ferrante s’attaque aussi avec conviction et talent à décrire la condition féminine s’essoufflant malgré l’apparition de la pilule. Tout est scruté avec précision: les relations dans le couple qui ne durent pas, où les insatisfactions chroniques d’Elena et Lila sont nombreuses. Le roman se veut aussi militant sur la place des femmes au foyer, avec leurs enfants, en décrivant la charge mentale des épouses et la place consolante et trop rarement satisfaisante des relations sexuelles.Il y a véritablement une matière collosale dans ce troisième tome et le lecteur apprécie ce foisonnement, cet éventail de points de vue sur la vie et les gens de la fin des années soixante au début des années soixante-dix.Je n’ai qu’une envie: lire l’ultime partie pour voir comment évoluent Lila et Elena dans la maturité et ce qu’il en adviendra.

Specliseur
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le 10 nov. 2021

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