Comme toujours avec Mathieu Gaborit, les qualités principales de l'ouvrage sont les mêmes, criantes d'évidence, et tiennent en deux mots : son inventivité et son originalité. Quand la Fantasy contemporaine se contente le plus souvent de pasticher Tolkien et Donjons et Dragons (le jeu de rôles) en déclinant à l'infini les canons du genre (elfes/nains/gobelins, guerrier/magicien/voleur, princesse à conquérir/trésor à découvrir/royaume à défendre...), Gaborit a su habillement se les approprier et les teinter de toute la richesse de son imagination jusqu'à parvenir à les rendre méconnaissables. Agone est un anti-héros qui court après sa destinée mais qui a peu en commun avec Elric (bien que la rapière dotée d'une âme eut pu rappeler Stormbringer) ou avec Fitzchevalerie, le héros de Robin Hobb (L'Assassin Royal). La magie est au cœur de l'intrigue et des péripéties des Chroniques des Crépusculaires, comme bien souvent dans les cycles de fantasy, mais les danseurs qui en sont la source, cajolés par les uns et torturés par les autres pour leur faire exprimer leur pouvoir sont une invention bien plus poétique et riche que les manas et autres fluides magiques que les sorciers manipulent le plus souvent. Sans parler du Souffre-Jour, des petits chasseurs, de l'orgue nain qui enregistre tous les sons de la ville, des provinces liturgiques et de l'ordre défroqué, ces prêtres zombies qui combattent à leur solde ou encore de l'Accord, forme alternative, mélodique, de magie qui sont autant de fantaisies (revenons à la forme et au sens français du terme) dont on se délecte au fil des pages, qui se tournent bien vite.
Malheureusement cet imaginaire richissime trouve un contrepoint un peu amer dans la qualité globalement faible de la narration. Pêché de jeunesse prêcheront certains, défaut jamais totalement corrigé diront d'autres, je ne peux juger, n'ayant pas lu d’œuvre récente de Mathieu Gaborit. Ce qui est certain c'est que l'intrigue tend à avancer par à-coups et à être alimentée plus souvent par l'une des trouvailles sus-citées que Mathieu sort de son chapeau que par un enchaînement logique de péripéties structurées. Ce qui, combiné à une tendance un peu désagréable à laisser de côté les fameuses trouvailles que l'on aurait bien aimé voir exploitées plus en profondeur donne un rythme un peu chaotique à l'ensemble additionné d'un je ne sais quoi de brouillon.
Rien de suffisamment rédibitoire toutefois pour l'éloigner de votre liste de bouquins à emporter lors de vos prochaines vacances.
Samanuel
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le 19 mars 2013

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