Il est très facile de taper sur les phénomènes populaires, comme la trilogie de E.L. James, pour un oui ou pour un non. J'avoue avoir été très tenté, et c'est pourquoi j'ai acheté le livre. Au moins, maintenant, j'ai un minimum de crédibilité. Ce que je n'avais pas prévu, cependant, c'est qu'en lisant les critiques les plus acerbes du site, j'ai eu le principal du roman. Effectivement, il ne s'y passe pas grand-chose, et malgré tout, ça fait 550 pages. On peut flairer le souci, être malin, après tout... Mais ce ne fut pas mon cas. Et j'ai donc lu en entier cette chose.
Par contre, je vais mettre les pendules à l'heure : je ne suis absolument pas un bourreau des Twilight, et autres dégueulasseries décriées haut et fort. J'ai plutôt bien aimé la saga de Meyer, dans le sens où j'ai encore du mal à concevoir lecture moins éprouvante. C'était vraiment une détente, où l'on ne réfléchissait pas, et où au fond, on CHOISISSAIT d'adhérer à la parfaite niaiserie. C'était mauvais, on est d'accord, mais ça m'a fait plaisir de les lire. Mais c'était quand même sacrément bancal. Bien que les quelques heures passées devant les bouquins ne me furent pas désagréables, je sentais bien qu'il en fallait peu pour que je balance le bouquin par la fenêtre et me remette à quelque chose d'un peu moins con. Le problème, avec 50 Nuances de Grey, c'est que cette envie était flamboyante, et qu'elle m'a obsédé (bien plus que les fessées de Christian, smack).
Naturellement, l'héroïne est idiote. Anastasia n'est pas très maline, bien qu'on tente de nous persuader du contraire. Elle a une grande compréhension de la complexité de la littérature anglaise, et grâce à ses résultats brillants n'aura aucun mal à intégrer le milieu de l'édition. Par ailleurs, en Marie symbolique, elle est vierge, pure, innocente, et attend le « bon », « l'aimant », celui qu'elle aimera pour accepter la défloration. Alors, Mme James, allez-vous parvenir à m'expliquer comment cette jeune fille claire comme l'eau de source va ACCEPTER DE SE FAIRE CRAVACHER PAR UN PERVERS A L'ENFANCE DIFFICILE ? C'est pour ainsi dire la première question que je pose à l'auteure, ou au web. Si quelqu'un a une réponse intelligente, qu'il la propose. Car la seule argumentation visible dans le roman est résumée par son amour immédiat et absolu pour Christian Grey. Alors, tout d'abord, même si je veux bien croire au coup de foudre, son attachement au « serpent tentateur » (et il n'y a pas de mauvais jeu de mot porno-biblique) est progressif. Or, on découvre assez vite les goûts et les couleurs du monsieur, à un moment où l'ardeur des sentiments d'Anastasia n'est pas aussi démesurée qu'elle le sera par la suite. Au cours de la lecture, je n'ai pas réussi à concevoir comment cette jeune fille est restée collée à Christian. Peut-être n'ai-je pas assez foi en l'émancipation, la transcendance qu'est le grand amour ? Peut-être, oui.
Secondement, je me suis vraiment ennuyé sur la deuxième moitié du roman. Si l'on passe les raisons douteuses qui poussent cette jeune Anastasia à virer cuir moustache, on est capable de trouver jouissives les premières scènes de sexe. Parce que bon, ça y est, on a démystifié le fameux Grey dont on nous parle partout dans les média, et on a bien envie de voir jusqu'où ils vont aller les deux amants. Mais voilà, quoi, une scène, deux scènes, mais combien y en a-t-il dans le roman ? Dix ? Quinze ? Sur une dizaine de pages à chaque fois. C'est tellement lassant... Les lectures érotiques ne sont que rarement ennuyantes. Les écrits softs de Sade sont très divertissants et prenants, tandis qu'ici on s'ennuie à mourir. La richesse portée par le domaine du sado-masochisme n'est ici aucunement exploitée. Je suis navré, mais quand on m'a décrit pour la première fois la salle rouge de la douleur (ou du plaisir, je ne sais plus bien, après tout), j'ai pu imaginer l'infinie diversité qu'elle pouvait offrir, et pourtant je ne suis pas un amateur du s-m... Il y a donc une apparente originalité dans le roman, surtout chantée par les média, alors qu'il n'en est rien. « 50 Nuances de Grey » ne se démarque pas vraiment du reste de la littérature érotique, sauf par sa répétitivité et sa difficulté à rapprocher le lecteur. Les scènes de sexe sont toutes les mêmes, à l'exception de quelques variables peu intéressantes. Elles ponctuent trop régulièrement le roman, ce qui en enlève tout le côté excitant, et deviennent purement machinales.
Mais si le livre est rébarbatif sur le fond, il l'est encore plus sur la forme, de manière terrible. Combien de fois Ana va-t-elle se mordre la lèvre inférieure et déclencher ainsi une érection à Christian ? Combien de fois va-t-elle lever les yeux au ciel ? Combien de fois va-t-elle nous expliquer que Christian est une masse de discordances, que sa facette sombre lui fait peur ? Combien de fois va-t-il lui sortir des phrases-chocs et lapidaires du genre « Je vais te prendre sauvagement point ». Vraiment, c'est très éprouvant pour le lecteur. Je me suis vraiment senti lassé, parfois, devant tant de fadeur.
Je voulais aussi signaler quelque chose : je suis un homme. J'ai lu ce bouquin sans penser que cela m'handicaperait outre mesure, mais décidément, là... La description étant tout de même très subjective, j'ai eu beaucoup de mal à adhérer aux scènes de sexe. Mais je crois que le top du bouquin, vraiment, se situe en une scène. Page 428 : la gentille maman d'Anastasia (pure plagiat de Renée de Twilight, par ailleurs) décrit les hommes à sa fille. Là, c'est le summum. Nous sommes des animaux « très littéraux » qui « disent ce qu'ils pensent », fatalement. Eh bah. Bravo James. Comment nous a-t-elle aussi bien cernés ???
La mise en scène du sado-masochisme en lui-même est également effroyable. Je ne connais rien au milieu, mais j'ai trouvé cela vraiment ridicule la plupart du temps. Les phrases-choc de Grey, son contrat, ses revendications... La plupart du temps, je secouais la tête en me demandant où cela allait s'arrêter. Je n'ai toujours pas ma réponse, en fait. Il est certain que ce ne sont pas ces pratiques qui sont ridicules, mais les manières dont elles sont abordées. Cette gourde d'Anastasia n'est vraiment pas du genre à aiguiller le lecteur, en plus...
Bon, je ne suis pas très sympathique dans cette critique car décidément, plus j'y repense, plus ce livre m'énerve. Et pourtant, certains points positifs peuvent être relevés. De manière prévisible et ce malgré la longueur du roman, cela se lit très vite. C'est tout de même assez fluide bien que l'écriture soit passablement laide. De plus, j'ai beau avoir été exceptionnellement énervé par le bouquin, j'ai eu un peu d'intérêt pour les personnages à la toute fin. Je voulais savoir comment ça finissait, après tout ça. Cela m'a aussi permis de me vider la tête entre deux lectures, puisqu'il n'y a vraiment pas dans « 50 nuances de Grey » matière à réfléchir (ou peut-être bien que si, en fait...). Enfin, je me suis fait mon propre jugement que je croyais (à tort) sous-traité.
Ainsi, 50 Nuances de Grey est bien un gros loupé. Alors que le début n'était pas désagréable, tout comme la fin (j'ai trouvé la scène du planeur pas si mal que ça), le principal du livre baigne dans la médiocrité la plus infâme. J'ai vraiment été énervé, dans la mesure où je croyais aux « bonnes raisons » derrière le best-seller. Après tout, si le livre a été le plus vendu en 2012, c'est qu'il devait avoir des qualités indéniables... Mais non. Je suppose que l'effet boule de neige a joué. Des lectrices ont adoré, en ont parlé autour d'elle. A émergé une petite polémique. Le sexe, peu présent dans les lectures actuelles, a attisé la curiosité des autres lecteurs, qui, je suppose, furent bien nombreux à être déçus.
A éviter, donc. Croyez SensCritique.