Incas d'école
L'empereur de l'uchronie en littérature, et il n'est pas prêt d'être détrôné, reste Philip K. Dick avec Le Maître du Haut Château qui imaginait le monde dans les années 60 après la défaite des Alliés...
le 21 août 2019
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L’uchronie n’est pas un nouveau genre de la littérature et de grands livres, comme Le Complot contre l’Amérique de Philip Roth et Le Maître du Haut Château de Philip K. Dick, parviennent à retranscrire parfaitement le cours d’une histoire qui n’a pas eu lieu. Tout vient d’un grain de sable dans la mécanique horlogère de l’Histoire. Et si Hitler avait gagné la guerre ? Et si on pouvait éviter l’assassinat de Kennedy (22/11/63 de Stephen King) ? Laurent Binet, auteur estimé de HHhH et de La Septième fonction du langage, préfère provoquer son dérèglement dès le début de l’an mille pour conduire au retournement historique suivant : et si les Amérindiens avaient conquis l’Europe ?
Ce récit de la mondialisation renversée jette de nouveau les dés sur la table : les Indiens bénéficient du cheval, du fer et des anticorps. A partir de là, l’arrivée de Christophe Colomb en 1492 ne se passe pas comme prévu, celui-ci étant fait prisonnier. La première partie du roman s’intéresse aux vikings, la deuxième au journal fictif de Christophe Colomb et la troisième se concentre chronologiquement sur le déroulé des faits à la suite de l’arrivée des Indiens sur le continent européen.
On comprend donc bien le projet de Laurent Binet, à la fois récit d’une nouvelle mondialisation et regard naïf et étranger, comme dans Les Lettres persanes, sur une Inquisition espagnole, une Réforme luthérienne et un capitalisme naissant totalement étrangers. Autant, si les deux premières parties arrivent à captiver le lecteur, la troisième casse totalement le rythme initial. Dès l’arrivée de l’empereur indien sur la péninsule ibérique, les faits se succèdent à une vitesse folle, sans grande réflexion. De quoi perdre le lecteur facilement, entre une narration qui passe sur des descriptions qui auraient gagné à étoffer le récit et des personnages, trop nombreux, aux noms trop compliqués. Les faits s’enchaînent et l’absence de réflexion, malgré quelques trouvailles (les Indiens appellent les livres des « feuilles qui parlent » par exemple), conduit à un désintéressement malvenu malgré une histoire qui promettait beaucoup. Réécrire l’Histoire n’est pas forcément écrire de la littérature.
Les Levantins croyaient en une famille de dieux composée d’un père,
d’une mère et de leur fils. Le père vivait dans le ciel et avait
envoyé son fils sur la terre pour sauver les hommes mais, après de
multiples aventures et une suite de malentendus, il l’avait laissé se
faire clouer sur une croix par les hommes qu’il était venu aider, et
qui ne l’avaient pas reconnu. Puis le fils était revenu du monde
souterrain et avait rejoint son père au ciel. Depuis ce jour,
dessillés et mortifiés par leur erreur, les Levantins attendaient et
espéraient le retour du fils sur terre. En même temps, ils ne
cessaient de prier et de vénérer la mère, qui avait la particularité
étrange d’être restée pucelle lorsque le père l’avait fécondée. Il
existait aussi une divinité secondaire qu’ils appelaient le
Saint-Esprit et qui se confondait tantôt avec le père, tantôt avec le
fils, tantôt avec les deux.
Créée
le 16 août 2020
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