J'aurais aimé que tu me sabotes la gueule au lieu de tisser autour de moi une enveloppe de normalité

Je n'ai rien contre l'auteur du livre et suis ouvert au dialogue pour comprendre ce que vous aimé dans ce livre, parce qu'apparemment, je passe complètement à côté.


Concrètement, on a une histoire qui raconte le destin croisé de deux personnages: L et Antoine, mais à mon sens, Xavier est tout aussi important dans le récit, bien que secondaire par le nombre de lignes qui lui sont dédiées. Ces personnages se rencontreront plus ou moins grâce à Antoine, véritable protagoniste du récit.
Pour comprendre l'idée du livre -selon moi-, on découvre trois personnages, trois façons d'habiter le monde, qui se révèlent au final complémentaires (un empire dans un empire) là où on aurait tendance à les confronter. Comment? Antoine est attaché parlementaire, son empire, sa forteresse à lui, c'est les institutions politiques démocratiques, il est réformiste et a espoir en la mutabilité de la société démocratique. L est surtout hackeuse dans son temps libre, elle fait parti des gens du "dedans" et cela lui confère l'aura de la révolutionnaire, celle qui change le monde par la destruction des faits établis, ce qui coûte la prison à son compagnon de route. Puis on a Xavier, le looser aux yeux d'Antoine qui a quitté les études supérieures pour créer une pseudo fausse ZAD, il est le symbole du vaincu, celui qui essaie d'accepter l'idée de l'échec pour construire un semblant de quelque chose, quitte à ce que ne soit ni grand mais mémorable, mais au moins existant (contrairement au livre d'Antoine par exemple).


Donc voilà, idée très dans l'ère du temps, chacun vit dans sa bulle, oh, bah elles sont pas incompatibles, apprendre de l'autre, bla bla bla.


Ce qui est très très regrettable avec ce roman à mes yeux, c'est l'absence de direction clairement établie du récit. C'est très bien de voir des personnages vivre, être encrés dans le réel, le vrai, celui des Gilets, mais ça n'empêche que je me demande à quoi cela sert de raconter la vie d'un personnage fictif. Apprendre de lui, éprouver de l'empathie, de l'identification, montrer une voie à suivre, ou non, bref, le personnage, c'est un peu le crash test qu'on ne peut pas être. Il est celui qui fait à notre place pour voir ce que ça fait, une figure à laquelle on s'attache, ou non, vers laquelle on tend, qui montre une conception d'une chose pour nous apprendre de celle-ci, nous forcer à nous positionner (je ferais pas comme lui... moi je ferais pareil...).
Mais ici, quoi? Les deux destins principaux se croisent, puis tournent autour et tissent un morceau de chemin ensemble, puis l'un tend vers le troisième personnage et l'histoire termine vers la réunion autour de la ZAD. Entre la première et la dernière page? Que des descriptions attendues, conventionnelles, normales, de personnages inattendues, anormaux. Sérieusement, on parle d'une hackeuse géniale, d'un mec qui a établi une fucking ZAD, un gars qui pense au pouvoir pour changer en mieux la société (bon, il est au PS...).


Pourquoi les rendre si stéréotypes? J'entends par là que c'est des gens normaux trop normaux: la description des personnages au début est tellement fade, j'ai cru que c'était une parodie de page FB que je suis qui s'amuse à dresser les portraits clichés genre "Louis, a fait une prépa puis une licence de sciences sociales avant d'intégrer Sciences Po". Tout y passe sans aucun détail qui sort de l'ordinaire, et on voit les choses arriver à 100 000 (la relation ambigue entre L et Antoine notamment). Et malheureusement, c'est un ordinaire raté, il avait pas trop pour but d'être ordinaire ce roman. Et c'est pour ça que j'aurais aimé me prendre un coup de pied dans le ventre, avoir des personnages encrés dans le réel, mais qui ont une singularité, un truc à eux.


Puis y'a des petites incohérences et trou qui donnent un sentiment d'inachevé au récit: ces gens qui ont envoyé des messages à L dans le dedans, pourquoi son mec réagit trop bizarrement en prison... Paradoxalement, la scène d'ouverture du livre parlant d'Antoine qui évite à tout prix d'être banal, c'est la métaphore finale de ce que m'a apporté ce livre (mais aussi la fin de ma critique lol): à force de penser des choses auxquelles tout le monde a déjà pensé, on réduit un empire intéressant à ce qu'il a de plus pauvre à donner, des pensées à la volée et des rêves perdus d'avance, rien de consistant dans cette normalité qui est pourtant, l'un des plus grands ressorts de l'art. Ce qui est vrai est beau. Pour ce qui est du normal, avec ce livre, cela reste encore à prouver.

morenoxxx
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le 5 nov. 2020

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