"The pictorial Shakespeare of our time." Steven Spielberg



De tous les grands maîtres de l'histoire du cinéma, Akira Kurosawa est l'un des très rares à faire autant l'unanimité. Il faut dire que la carrière, exemplaire mais pas dénuée de défauts, du cinéaste oscille entre tradition japonaise et approche occidentale du cinéma, Kurosawa ayant compris mieux que beaucoup d'autres les codes des films de genre pour les détourner à sa manière, mettant systématiquement l'humain au centre de ses histoires.



"Kurosawa never affected me directly in terms of my own movie-making because I never would have presumed that I was capable of that
perception and that vision."
Sidney Lumet



Inutile de dire donc à quel point j'étais impatient de lire l'autobiographie de ce génie du septième art, d'autant qu'à travers sa longue vie il fut le témoin de nombreux changements (il a connu l'époque des benshis via son frère, la montée du communisme, le tremblement de terre de Tokyo, la guerre...). Sans oublier que sa carrière, après Rashomon, est tout simplement prodigieuse.



"I'd like to be able to make a Western like Kurosawa makes Westerns." Sam Peckinpah



Oui sauf que voilà : Kurosawa n'aime pas trop parler de ses films, et arrête le récit de sa vie à Rashomon justement, arguant que la suite est connue de tous et n'est guère itnéressante. Je suis donc très frustré de ne pas avoir découvert, au détour de ce livre, des secrets de fabrication, des anecdotes, des détails sur certaines oeuvres qui ont marqué autant l'histoire du cinéma que ma propre cinéphilie. Bien sûr, il y a des choses intéressantes, notamment autour du premier Légende du grand judo ou encore le contexte militaro-propagandiste dans lequel il a réalisé ses premières oeuvres comme Le plus beau. Sans oublier ces précieuses notes, en guise de conclusion, où Kurosawa donne quelques conseils sur la réalisation des films, de l'écriture de scénario à la direction d'acteur. Mais cela reste forcément un peu pauvre quand on repense aux histoires non dites sur Les sept samouraïs, Les salauds dorment en paix, Yojimbo ou encore Ran.



"Now I want to make it plainthat The Virgin Spring must be regarded as an aberration. It's touristic, a lousy imitation of Kurosawa."
Ingmar Bergman



Passé cette déception, le livre est assez intéressant en ce qu'il dépeint tout un demi-siècle au Japon, où Kurosawa narre avec mélancolie et parfois amertume la discipline alliée à l'amour de son père, l'admiration pour son frère avant le suicide de ce dernier, le massacre de coréens au lendemain du séisme de 1923 ou encore les tensions politiques à la veille de la guerre. Kurosawa n'est, dans ce livre, pas franchement un optimiste : déçu de ne pas être devenu peintre, nostalgique de sa jeunesse, il y a quelque chose de profondément triste dans Comme une autobiographie, une tristesse contre-balancée par l'admiration humble et sans borne que voue le cinéaste à Kajiro Yamamoto, son mentor. C'est peut-être là l'un des moments les plus étonnants du bouquin, ces passages où Kurosawa se déclare très nettement inférieur à Yamamoto ; respect des aînés ou véritable passion platonique, qu'importe, le livre est le cri d'amour d'un élève à son maître, et fait relativiser la figure tutélaire que Kurosawa est devenue en près de 50 ans.



"His influence on filmmakers throughout the entire world is so profound as to be almost incomparable." Martin Scorsese



Une autobiographie plutôt intéressante au final, un peu frustrante certes mais teintée de suffisamment d'histoires (la petite et la grande) pour se suffire et à elle-même et donner quelques clés de compréhension d'une des oeuvres les plus essentielles de l'histoire du cinéma.



"One thing that distinguishes Akira Kurosawa that he didn't make a masterpiece or two masterpieces, he made, you know,eight
masterpieces."
Francis Ford Coppola



D'autres citations : http://www.mirror.co.uk/news/uk-news/akira-kurosawa-what-steven-spielberg-210085

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le 12 juin 2016

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