Ayant beaucoup entendu parler de Bukowski, j'ai décidé de m'y mettre. Je me suis procuré les Contes de la folie ordinaire, c'est un ensemble de nouvelles censées dépeindre la vie de l'auteur à Los Angeles. Quelle n'a pas été ma déception... Je vais résumer les trois nouvelles qui m'ont semblé dignes d'intérêt.
Le petit ramoneur

Lors d'un pot de son entreprise, Henry, le héros, remarque une jolie fille que personne ne courtise. Curieux, il demande des explications à un collègue, ce dernier le met en garde : la belle serait une sorcière qui a fait disparaître ses derniers amants. Ne prenant pas en considération les avertissements, Henry tente sa chance avec succès. Ils se marient et au début, tout se passe bien , mais au bout de quelques temps, il s'empâte et sa nouvelle épouse le lui reproche. Ne voulant pas lui déplaire, il accepte de suivre le régime qu'elle lui impose. Régime tellement efficace que, non seulement il perd du poids mais en plus il rapetisse à vue d'œil. Il perd son emploi de manutentionnaire car il n'est plus, dans tout les sens du terme, à la hauteur. Il passe alors ses jours à amuser sa femme, chantant et dansant comme un petit animal de compagnie. Un jour vient où elle lui annonce qu'il a enfin atteint "la bonne taille", et elle commence à se servir de lui comme d'un jouet sexuel. Henry, se sent piégé, il attrape une aiguille effilée et tue sa sorcière. Il s'enfuit ensuite et petit à petit recommence à grandir et à redevenir un humain normal.

Cette nouvelle m'a fait penser à une bande dessinée de Foerster : La raison du plus mort, des histoires fantastiques et glauques parues dans la collection Fluide Glacial. Elle a l'avantage d'avoir un vrai scénario, des péripéties bien orchestrées et un côté surréaliste agréable.


Comme au bon vieux temps

Un récit de prisonnier, en six chapitres, croissant dans l'horreur.

I. Des détenus sont en train de nettoyer les défections des pigeons dans la cour. L'un deux, plus taré encore que ses camarades, trouve un plan pour rendre la tâche plus facile. Partant de la croyance que les pigeons sont capables de communiquer entre eux, il attrape l'un des volatiles, trop malade pour s'échapper, lui tranche les pattes et le jette sur le toit afin qu'il prévienne ses congénères du danger qu'il y a à faire ses besoins dans la zone.

II. L'un des détenus se voit sauvé d'un viol grâce à la laideur repoussante de son anus.

III. Sears, un autre prisonnier impose le respect dans sa cellule en s'attaquant avec succès au plus gros de ses codétenus.

IV. Ce chapitre porte toujours sur Sears, il choisit un petit rouquin comme tête de truc et jure de lui faire la peau. Le jeune homme effrayé, reste en cellule pour ne pas croiser son agresseur lors des promenades. Malheureusement pour lui, Sears trouvera le moyen de mettre ses menaces à exécution en le saignant sous la douche.

V. Il est ici question d'un insoumis qui mettra la patience du gardien-chef à rude épreuve en lui jetant le contenu des toilettes au visage. Il sera mis au mitard et ne sait pas ce qu'il est advenu de lui.

VI. Bukowski conclut que la prison a un effet dissuasif en terme de récidive. Ce qui lui ressemble peu à vrai dire.

Cette nouvelle-ci a une forme qui diffère vraiment du reste du livre, le style reste plus ou moins le même mais en peu de mots il donne beaucoup plus de profondeur aux différents moments de vie (et de mort) des personnages. L'humour au quinzième degré de l'auteur est présent et mieux mis en valeur car il contraste avec le côté glauque de l'enfermement.


Le zoo libéré

Après avoir à nouveau touché le fond à force d'alcool, l'auteur se retrouve à la rue. Il erre dans la ville et finit par sonner à la porte d'une grande maison qui sans raison lui donne une impression de sécurité. Une jeune et jolie rousse lui ouvre et lui offre l'hospitalité. Elle se présente, Carol, cinglée et fortunée, elle s'est donné pour mission de préparer le monde à l'ère nouvelle qui suivra l'Apocalypse. La belle folle vit dans une maison remplie d'animaux en toute bonne entente, une véritable arche de Noé moderne. La nuit, Bukowski la surprend dans des rapports charnels avec son zoo, un serpent, puis un tigre... La troisième nuit il se prête à ce rituel devenant un de ses nouveaux protégés. La vie est douce dans leur paradis, Carol tombe enceinte et ils filent le parfait amour, jusqu'à ce qu'un jour, en revenant d'une sortie en ville, ils retrouvent tout les animaux massacrés. Le jardin de l'immense propriété est couvert de tombes, Carol y voit le signe de l'imminence de la nouvelle ère. Et puis vient le jour de l'accouchement, Bukowski découvre le visage de son fils, un monstre mi-humain, mi-animal, ressuscitant dans ses traits la ménagerie de Carol, tout cela dans une totale indifférence de l'infirmière. C'est là que la première bombe H tombe sur la ville.

Je crois que ça a été ma nouvelle préférée du livre et en y réfléchissant bien me ferait presque changer ma note. J'adore le côté kafkaïen de la fin, où l'étrange s'immisce dans le quotidien sans faire le moindre pli, comme si il avait toujours été là. Même les scènes d'amour sont mieux amenées, plus douces, moins vulgaires. Malgré la fin chaotique, je trouve que c'est paradoxalement la nouvelle la plus optimiste de tout l'ouvrage.

Le reste des contes pourrait être résumé ainsi : Bukowski est saoul, il vomit, il voit une belle fille il se la tape (ou un de ses amis le fait, ou encore les deux), quelque soit l'ordre. C'est une grande orgie bien arrosée où le vulgaire est roi. Bukowski prend un malin plaisir à choquer, à utiliser les termes les plus crus possibles, donnant dans l'inceste, la zoophilie et toutes les divergences possibles. Son vocabulaire est plus riche pour décrire les parties génitales des personnages que pour peindre Los Angeles, principal lieu où se passe le livre. Sa perversion n'a d'égale que sa mégalomanie, il n'a de cesse de se proclamer meilleur poète vivant, prenant de haut ses pairs. Bukowski est somme toute un vieillard bouffé par la gnôle, qui n'a jamais dépassé la phase anale, je pense que lui même prend les gens pour des cons en méprisant ceux qui l'adorent. Malgré tout il a une prose tout à fait excellente, à laquelle les sujets choisis ne font que desservir. En 1961, Piero Manzoni mit ses excréments en boîte et appela cela de l'art, Bukowski lui les met dans ses livres.
Diothyme
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le 21 févr. 2011

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