Ce livre a une place unique dans l'oeuvre de Tolkien car il traite de l'époque la plus « nébuleuse » de l'Histoire de la Terre du Milieu: le Second Âge. Effectivement, à part quelques pages dans le Silmarillion, la transition entre la Guerre contre Morgoth et celle contre Sauron est assez brusque, comme si Tolkien avait quelque peu bâclé l'histoire de Númenor et de la création des Anneaux de Pouvoir. Ce deuxième tome des CLI vous prouvera qu'il n'en est rien. Véritable bouffée d'air frais après être demeuré aussi longtemps dans le Beleriand (l'Ouest de la Terre du Milieu où toutes les histoires de la Quenta Silmarillion se déroulaient), j'ai voyagé avec délice dans deux nouveaux territoires, Númenor et l'Est de la Terre du Milieu (Eriador, Eregion, Mordor...) qui forment, pour ainsi dire, deux arcs narratifs indépendants qui finissent toutefois par se rejoindre dans la description de la Première Guerre contre Sauron.

Bien sûr, CLI oblige, la narration se fait à travers des documents plus ou moins disparates mais néanmoins tout à fait passionnants pour les fans. Ainsi, après une brève description de l'ile de Númenor, les premières pages de « Aldarion et Erendis » nous sont proposées, seul conte núménoréen jamais écrit par Tolkien. Contre tout attente, il ne s'agit pas d'un récit épique mais bien plutôt d'un excellent drame amoureux qui prépare le terrain au retour de l'Ombre des siècles après la défaite finale de Morgoth. Aldarion, navigateur aventurier, délaisse la femme qu'il aime et ses obligations d'héritier du roi au profit d'une tâche plus grande dont il ne veut, par fierté, parler à personne. Cette abnégation silencieuse détruira peu à peu la vie dont il avait pu rêver et, au moment où le récit se termine, les échos de la guerre se feront à nouveau entendre.

Vous aurez compris que, de par sa rareté, ce récit est indispensable pour pleinement comprendre ce qu'était l'ile des Rois, ancêtres d'Aragorn. De superbes descriptions se mêlent harmonieusement à des profils psychologiques un peu plus marqués qu'à l'habitude même si, une fois de plus chez Tolkien, tout le malheur des personnages viennent de leur orgueil et de leur incapacité à communiquer.

Tout cela est complété par une généalogie royale avant de passer au deuxième gros morceau du livre: l'histoire de Celeborn et de Galadriel, intimement liée au Second Âge même si les extraits présentés par Christopher Tolkien brassent également le Premier et Troisième Âge. Une véritable mine d'or, si vous voulez mon avis ! Des détails à foison qui permettent enfin de lever le voile sur de multiples zones d'ombre et qui finissent de donner à l'histoire d'Arda toute sa cohérence et son incroyable implication littéraire.

Lire ce deuxième recueil des Contes et Légendes Inachevés, c'est comme parcourir les parchemins poussiéreux du Gondor à la recherche de secrets et d'histoires oubliés. Une expérience fascinante, une fois de plus.
Amrit
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Tolkien, dans quel ordre ? et Les meilleurs livres de J. R. R. Tolkien

Créée

le 27 févr. 2013

Critique lue 1.1K fois

13 j'aime

Amrit

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

13

D'autres avis sur Contes et légendes inachevés, tome 2

Contes et légendes inachevés, tome 2
Tídwald
8

Critique de Contes et légendes inachevés, tome 2 par Tídwald

Probablement le plus inattendu des trois : Númenor n'était jusqu'ici connue que par quelques vagues allusions dans Le Seigneur des Anneaux et le bref Akallabêth du Silmarillion, à première vue guère...

le 3 avr. 2012

5 j'aime

Contes et légendes inachevés, tome 2
batman1985
6

Plus lisible que le premier tome

Que ceux qui avaient lu le premier tome de Contes & Légendes inachevés se rassurent, on a droit à un second opus de bien meilleure qualité. Bon, ce n'est pas non plus ce que Tolkien a fait de mieux...

le 19 juin 2012

1 j'aime

Contes et légendes inachevés, tome 2
White-Fangs
6

Critique de Contes et légendes inachevés, tome 2 par White-Fangs

Ce qui est bien chez Tolkien c'est toute cette dimension extraordinaire propre à l'auteur. Tout cet univers dont il a crée la langue, la culture, la géographie, les caractères, l'histoire... Bref,...

le 11 nov. 2010

1 j'aime

Du même critique

Lost : Les Disparus
Amrit
10

Elégie aux disparus

Lost est doublement une histoire de foi. Tout d'abord, il s'agit du sens même de la série: une pelletée de personnages aux caractères et aux buts très différents se retrouvent à affronter des...

le 8 août 2012

230 j'aime

77

Batman: The Dark Knight Returns
Amrit
9

Et tous comprirent qu'il était éternel...

1986. Encombré dans ses multivers incompréhensibles de l'Age de Bronze des comics, l'éditeur DC décide de relancer la chronologie de ses super-héros via un gigantesque reboot qui annonce l'ère...

le 3 juil. 2012

98 j'aime

20

The End of Evangelion
Amrit
8

Vanité des vanités...

Après la fin de la série, si intimiste et délicate, il nous fallait ça: un hurlement de pure folie. La symphonie s'est faite requiem, il est temps de dire adieu et de voir la pyramide d'Evangelion,...

le 21 juil. 2011

91 j'aime

5