Le livre écrit en 1974 se situe, aux côtés de l'incroyable "Substance Mort", dans un moment de transition de l'oeuvre Dickienne. Exit la science fiction pure et dure de la décennie précédente, sa littérature se veut moins exclusive avant de s'intérioriser complètement avec la création ultérieure de la trilogie divine.
Si Substance Mort est un livre sur qui interroge les liens sociaux issus de la communauté (une colocation d'amis/camarades), Coulez mes Larmes dit le Policier est un roman qui donne la place d'honneur aux femmes et montre le besoin/le manque d'amour de ses deux personnages masculins principaux.
Comme rarement dans un livre de K Dick, plusieurs femmes aux personnalités différentes y sont décrites et auront, chacune de leur manière, une influence sur le récit et les personnages (Heather, Kathy, Alys, Ruth, Margaret). L'un des deux personnages ne vit d'ailleurs que par elles puisque les rares qualités que le roman lui confère sont la beauté et le charisme. Sa seule capacité à influer sur le monde est de pouvoir compter sur son charme auprès de la gente féminine.
En cela, le livre peut faire penser au HIGH FIDELITY de NICK HORNBY.
L'autre sujet du livre est la célébrité, Dick s'amuse à la confronter à ses personnages et renvoie l'image de stars qui s'effacent en même temps que leurs célébrités alors que les gens communs n'ont de possibilité que la publicité négative (scandale dans les journaux, humiliation télévisée, suspicions de la police).
Enfin, Dick place dans son contexte de SF quelques uns des éléments de l'époque du livre : révoltes étudiantes, ségrégation raciale des afros américains, l'incarnation du pouvoir corrompu de Richard Nixon.
De par ses thématiques sensibles et contemporaines, le livre me fait penser à un roman antérieur de K Dick : le dispensable " A Rebrousse Temps".
"Coulez mes larmes dit le policier" est une excellente introduction à K Dick pour qui n'est pas un lecteur de SF pure : La lecture est agréable, les chapitres assez courts, la construction cohérente et fluide, le style et les idées Dickiennes imprègnent le récit sans le prendre en otage. Un livre de la maturité en quelque sorte.
Contrairement à divers avis à droite et à gauche, je ne trouve pas la fin bâclée (elle est implacable et limpide) ni les dialogues sur l'amour ennuyeux. Il parait que le livre est très auto-biographique et on sent une réelle tendresse et honnêteté dans la description de ses personnages féminins ce qui le distingue clairement des archétypes féminins auxquels Dick et la SF nous ont parfois habitués.