« C’est dans un état bien particulier que j’écris ces mots, puisque
cette nuit je ne serai plus. »



C'est avec cette phrase d’introduction de la nouvelle Dagon que le sourire aux lèvres je savoure mes retrouvailles avec ce recueil.
J’étais persuadé de retrouver ce livre d’adolescence que j’avais tant aimé et dont pourtant je ne gardais que de vagues souvenirs.
J’ai donc eu hâte de prendre place à bord du train fantôme « Dagon » de Lovecraft et de me laisser guider par le maître du frisson pour, ce que j’espérais, être un voyage effroyable en 30 histoires macabres.
Après Dagon vient ensuite la nouvelle d’Herbert West réanimateur. Cette nouvelle semble s’inspirer du "Frankenstein" de Mary Shelley, c’est « Danse avec les macchabés ». Elle est Publiée pour la première fois en feuilleton de février à juillet 1922 dans une revue amateur. Ainsi, à chaque nouveau chapitre, il y a un court résumé qui reprend les évènements relatés précédemment, ralentissant un peu son rythme. De même, chaque fin de chapitre se termine par une note de suspens.
Même si l’auteur n’en sera pas satisfait, elle n’en reste pas moins un bon classique du registre par ses ingrédients qui contribuent à créer un univers glauque, morbide et de paranoïa à souhait.
La quête d’Iranon nous propose une pause dans l’effroyable et le fantastique avec un conte merveilleux teinté de mélancolie. Il raconte la nostalgie d’un chanteur baladin en quête de sa cité natale dont il est prince.
Cette nouvelle et les deux suivantes (Celephais et Polaris) contrastent avec l’univers fantastique par l’ambiance d’onirisme et de poésie qu’elles dégagent. Elles font partie du cycle du rêve de l’auteur qui comprend aussi La malédiction de Sarnath, Le bateau blanc et Les chats d'Ulthar.
Avec la nouvelle de La malédiction de Sarnath et du Le bateau blanc on retrouve une histoire de cités imaginaire (tout comme les 3 précédentes nouvelles) avec en plus la mythologie de Lovecraft pour Sarnath.
Le bateau blanc est un peu décevante et ne présente pas de réel intérêt de mon point de vue. Elle donne l’impression d’avoir été rédigée uniquement pour décrire des cités merveilleuses et ceci de façon redondante.
Les chats d'Ulthar est un peu plus captivante, même si la fin est prévisible à force de connaître la construction de l’auteur.
De l’au-delà, a le mérite d’être lu, mais sans plus. Un peu trop haut perché (justement) pour moi.
Le temple est une terrifiante réussite de descente dans les abîmes. C’est tout à fait le genre de nouvelles fantastiques que j’apprécie. Un équipage dans un sous-marin en huis-clos, une malédiction à bord, une cité engloutie appartenant à une ancienne civilisation. Que de bons ingrédients. Une fin habituelle laissant part à l’imagination du lecteur.
L'arbre et Les autre dieux, prennent un peu source dans la culture Gréco-romaine. Elles ne m’ont pas marquées pour autant.
L’alchimiste, encore une histoire de malédiction, mais cette fois-ci, une de celle qui s’abat sur tous les descendants d’une même famille. Le début est très prometteur, mais encore une fois le dénouement est décevant. Le fameux effet Pschitt !
La poésie et les dieux : Les dieux aux joues toutes rose avec des petites ailes sur les souliers qui jouent du pipeau, ça n’est pas trop mon truc. Désolé Howard.
La rue : surprenante nouvelle où se mêlent une peur de l’évolution, une peur de la révolution bolchévique aux Etats-Unis, avec une xénophobie un peu dérangeante et pour terminer une catastrophe naturelle en coulée de boue.
Horreur à Red Hook : Messes noires, incantations, sacrifices humains, cryptes, …etc. Un pur moment de folie vraiment dérangeant.
La transition de Juan Romero: Étrangement pour cette nouvelle, Lovecraft semble encore ne pas avoir été satisfait. Huitzilopochtli , une divinité mésoaméricaine associée au sacrifice humain, est mentionnée, ce qui peut expliquer que la transition de Juan Romero peut avoir été liée à un rituel de sacrifice.
Azathoth : Petite poésie sur les étoiles et rêveries bizarroïdes.
Le descendant : Curieusement, on ne sait pas pourquoi le narrateur nous dit au début de cette nouvelle souhaiter mourir dans les plus brefs délais. Ni quel est son rôle dans cette histoire qui comporte certaines incohérences. Encore une introduction prometteuse et une fin en flop. Où aussi, il est fait mention du Nécronomicon, mais qui ne tient pas vraiment de place particulière dans cette histoire. S’agit-il d’une ébauche à un futur récit ?
Le livre : Où un livre est trouvé, il permet des incantations … planantes. Il se dit que Yann Arthus-Bertrand serait intéressé par cet ouvrage. Est-ce le Nécronomicon ?
La chose dans la clareté lunaire : Encore des choses bizarres dans le ciel.
Hypnos : Voyage hypnotique dans les rêves. Les protagonistes sont en quête d’expériences dans des univers étranges au travers du rêve. « Lovecraft in the Sky with Diamonds » à fredonner sur l’air des Beatles. Le destin du narrateur restera en suspend, encore une fois, en accord avec le mode opératoire de Lovecraft.
Le festival : Les premières pages décrivant la ville de la famille du narrateur (Kingsport) lors de son arrivé, retranscrivent parfaitement l’ambiance mystérieuse et oppressante que ressent le personnage. Il y a une montée en puissance de la peur tout au long de cette nouvelle, jusqu’à la folie. Une belle réussite.



« C’était un cimetière où les pierres tombales se dressaient dans la
neige comme les ongles décomposés d’un cadavre gigantesque »



Prisonnier des Pharaons : Un mélange de thèmes allant de l’enterré vivant mélangé avec la mythologie égyptienne jusqu’aux « petites » bêtes souterraines cher à Lovecraft qui n’a pas réussi à me surprendre.
Lui : New-York, un homme d’un autre temps, un manoir, des indiens … « Lui » de qui s’agit-il ? Du narrateur ou de l’étranger ? A part son atmosphère dans la « grande pomme » des années 20, cette nouvelle ne m’a pas marqué plus que ça.
L'étrange maison haute dans la brume : Le nid d’aigle est-il en fait un nid de serpent ?
Dans les murs d'Eryx : Une nouvelle d’une quarantaine de pages écrite en collaboration avec Kenneth Sterling. J’aime les labyrinthes que ce soit dans « Le nom de la rose », « Shinning », dans le film « Cube » ou simplement en jeu. Oui j’aime le labyrinthe. Alors quand en plus celui-ci est invisible et traité comme dans cette histoire, c’est l’extase.
La bête de la caverne : Un peu déçu par cette nouvelle, pour laquelle j’étais presque sûr du final.
Le Clergyman maudit : Nouvelle intéressante.
La tombe enfin qui est une assez bonne clôture.


Dans plusieurs nouvelles on retrouve « la lune gibbeuse ». Phase lunaire que je ne savais pas nommer avant la lecture de cet ouvrage. D’autres tics de langage reviennent ainsi fréquemment.
Un autre style propre à son écriture est la répétition systématique d’éléments au cours de ces nouvelles. Comme pour insister sur certains points.
A travers ces trente nouvelles, on a largement le temps de découvrir le schéma de base d’une histoire de Lovecraft, de voir et de reconnaître les mécanismes de celles-ci, et donc de savoir à quoi s’en tenir dans les suivantes. A force on a l’impression de lire toujours des variations autour d’un même thème. C’est un peu dommageable car cela fini par faire perdre l’intérêt de la lecture. Il y a aussi des textes qui semblent ne pas avoir été retenu par l’auteur pour être édité et pourtant publié dans ce recueil. Comme si il s’agissait d’ébauches ou d’essais. Reste le plaisir de la lecture dans l’univers de Lovecraft. En revanche le côté sombre est indéniable. Car à la fin du livre, j’ai eu envie de me tourner vers une lecture plus légère. C’est donc un vrai bon recueil d’histoires sombres que je conseillerais toujours aux amateurs du genre.



« Un cri où se reflétaient toute l’horreur et toute l’angoisse d’une
vie entière, rassemblées dans un seul moment »



Les autres dieux

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le 10 févr. 2017

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