“La solitude, ça veut dire aussi : Ou la mort, ou le livre.” (M. Duras)

Pour être totalement honnête avec vous, j'avais un gros a priori concernant ce livre. Déjà parce que je trouvais l'auteur imbu de sa personne, mais aussi et surtout parce que je trouvais sa démarche d'un snobisme sans égal. Caprice petit bourgeois que celui de tout plaquer pour partir 6 mois au fin fond de la Russie. Ensuite, j'avais également peur que notre ami -aucune ironie, je suis depuis réconciliée avec le personnage- ne tombe dans une vulgaire parodie de l’ermite russe qui se soûle à la vodka.


J'ai donc attaqué ce roman toutes griffes dehors et avec beaucoup de méfiance. Cependant, mon animosité à l'encontre de l'individu s'est rapidement effacée au profit d'une profonde curiosité. En effet, la démarche de Tesson qui me semblait à première vue artificielle, est en réalité une quête existentielle (oui, la rime était facile). C'est celle d'un homme qui ne se reconnaît plus dans le monde qui l'entoure et qui a besoin de faire le point, le point sur sa vie, sur ses relations avec autrui, mais surtout sur lui-même. Au fur et à mesure de ma lecture, je culpabilisais d'avoir douté de la sincérité de l'auteur, mais surtout de lui avoir refusé le droit à une retraite sibérienne. De quel droit pouvais-je le lui interdire ?


Même si le style de Tesson est loin de m'avoir transcendé, je dois dire que l'homme lui a su me toucher et susciter mon admiration. Ce journal de bord, Tesson l'écrit sans prétention, la seule chose qu'il magnifie étant la nature sauvage. Plus qu'un journal intime, c'est une ode à la Sibérie, une ode à ses forêts, à ses lacs enneigés, à ses animaux, mais surtout une ode à la Nature elle-même. Tesson arrive dans cet univers avec beaucoup de modestie et prend garde de ne rien modifier sur son passage. La neige, immaculée, devient petit à petit la métaphore de son esprit, son paysage intérieur. En effet, Tesson cherche la paix, l'apaisement mais surtout le calme et le silence. Comme je le disais plus haut, Tesson nous livre ses états d'âme avec beaucoup de modestie, ses réflexions sont certes auto-centrées, mais elles n'en restent pas moins pertinentes. En effet, elles s’appuient sur ses lectures, lectures allant de Kierkegaard, Camus, Defoe, Rousseau ou encore Casanova ainsi, son propos gagne en pertinence et ne tombe pas dans le nombrilisme que je craignais pourtant au départ. Même dans ses moments de doute et de tristesse (CF la journée du 16juin) il conserve malgré tout une pudeur qui rend le personnage d'autant plus touchant.


Pour conclure, Sylvain Tesson nous livre ici sa lecture intime et personnelle du Robinson Crusoé de Defoe, sauf qu'ici le retour à la civilisation est possible. Possible certes, mais à quel prix ?

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le 24 juin 2016

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Okrutt

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