Je commencerai par remercier la traductrice, Lise Caillat, sans qui ce roman d'apprentissage sicilien ne serait pas parvenu jusqu'à la lectrice francophone que je suis.


Merci à sa belle traduction qui parvient à restituer la plume déjà très personnelle de Dario Levantino dont c'est le premier roman. Un texte à fort personnalité, abouti, intime, à la fois radical et tendre, comme on sait si bien l'être à l'adolescence.


Rosario, 15 ans, narrateur de l'histoire, partage sa vie entre l'appartement de ses parents dans un quartier populaire de Palerme, ses séances de foot au sein de l'équipe locale, son amour naissant pour Anna et ses prises de bec avec ses enseignants, qui n'aiment décidément pas les voix dissonnantes (dissidentes?) parmi les élèves.


Le football, passion héritée de son légendaire grand-père, est un fil rouge dans tout le roman et va être pour Rosario l'occasion de se confronter à un bizutage cruel, qui donnera raison à la maxime de René Char selon laquelle il faut trembler pour grandir.


Dario Levantino rend avec beaucoup de sensibilité et d'empathie (ça sent le vécu) les difficultés propres à l'adolescence, careefour des âges, ses paradoxes, ses doutes et ses ineffables tristesses, ses secrets bien gardés et ses rusés stratagèmes. L'auteur fait vivre à son personnage une chute des idéaux assez franche. Rosario découvre en effet que son père entretient une liaison et a même un fils caché, et va jusqu'à organiser une rencontre fortuite entre sa mère, l'autre femme et le fils caché. Il va également être le témoin bouleversé de la violence de son père sur sa mère.


J'ai beaucoup aimé la tendresse filiale et la loyauté de cet adolescent émouvant, aux prises avec ses propres tourments mais soudain contraint de s'occuper de sa mère dépressive (et d'un chien perdu). Sacrée maturité !


Le roman déploie le savoureux et pittoresque tableau d'une Sicile pleine de bruit et de fureur, au sein de laquelle coexistent des réalités opposées. Il y a quelque chose d'initiatique dans ce texte, dans ce qu'il dit des années adolescentes, incandescentes, violentes, absolues, où il faut prouver qui l'on est face aux clans des autres (camarades, rivaux, parents).


Âge tragi-comique où se sculpte l'identité définitive, où les amours sont forcément éternelles. Beaux passages lyriques et sensuels autour du personnage d'Anna, mystérieuse initiatrice des premiers émois charnels.


Il sera aussi question, ainsi que l'annonce le titre si bravache, d'audace, de dépassement de soi, de courage : c'est ce qu'il faudra à Rosario pour tenir tête obstinément au destin et aux vents contraires.


Un premier roman solaire et prometteur qui laisse augurer du meilleur pour les textes à venir... Bravissimo, Dario!




(English version)


A very special thanks to the translator, Lisa Caillat, without who that "bildgunsroman" wouldn't have reached the French reader that I am. Thanks to her beautiful translation that restores the rhythm and already very personal style of Dario Levantino whose it is the first novel. A text with a strong personality, accomplished, raw, intimate, both radical and tender, as one can be in the teenage years.


Rosario, 15, narrator of the story, shares his life between his parents' apartment in a popular area in Palerme, his football sessions in the local team, his first love for Anna and his arguments with his teachers, who definitely don't like clashing (dissident?) voices among the students.


Football, a passion inherited from his legendary grandfather, is a red thread in the novel and will be for Rosario the occasion to confront to other players and a cruel bullying. Moments that will prove René Char' aphorism right : "One must shiver to grow up".


Dario Levantino renders, with a lot of sensitivity and empathy (sounds like speaking of experience!) the specific difficulties of adolescence : doubts, unspeakable sadness, well-kept secrets, clever stratagems. The character goes through a pretty violent "fall of ideals", where he understands that adults are deceitful too.


Rosario indeed discovers that his father has an affair and even has an illegitimate son. Rosario goes til organizing a (so-called) accidental encounter between his mother, the other woman and that half-brother. He also is the upset witness of his father's violence towards his father.


I really enjoyed the filial tenderness and loyalty of this teenager dealing with his own torments, who suddenly has to take care of his depressing mum (and a lost dog).. Remarkable maturity!


There is something clearly initiatic about that text, in what it says of the incandescent, violent, absolute teenage years, where one has to prove who one is in front of the others' clans (comrades, rivals, parents).


Tragicomic time where the definite personality is carved, where love is obviously eternal, where feelings are turning the soul upside down. Beautiful lyrical and sensual moments around Anna's character, mysterious initiator of the first carnal emotions.


The novel also gives a very tasty and picturesque insight of Sicily, full of sound and fury, in which coexist opposite realities (which reminded me of my last summer trip on that island) Descriptions are always original, personal and poetical. For a first novel, the vision of the world carried by the narrator is already very mature and lucid.


"Of nothing and no-one", as announced in that brash and thunderous title, is as well about boldness, self-transcendence, courage : that's what it will take to Rosario to obstinately stand up to destiny's headwinds. To do this, he can rely on the mythological stories, readings that fascinate him, and call the power of "ancients"..


A brilliant, deep and promising first novel that augurs well for the future texts... As for me, I am already under the spell!


Bravissimo, Dario!

BrunePlatine
8
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le 17 juil. 2020

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