Arturo Bandini est un jeune écrivain sans le sou qui rêve de gloire. Il sera James Joyce ou rien. Mais pour écrire, il faut avoir des choses à dire. Et Arturo n’a rien vécu. Il n’a rien à raconter. Alors il traîne dans un Los Angeles décrépi, sombre, sale, mal fréquenté, un Los Angeles presque Biblique dont les murs lézardés menacent de s’écrouler et d’engloutir une populace de marginaux. C’est un décor parfait. Arturo cherche et observe. Il se cherche et s’observe aussi. Il tourne en rond. Il en fait trop. Il est lâche. Et comme à chaque fois que le Arturo du réel déçoit, il se réfugie dans l’écriture, « martelant les touches de sa machine à écrire » pour écrire « comment ça aurait dû être ». Arturo n’a rien vécu de palpitant, mais peu importe puisqu’il écrit, et à travers l’écriture il transforme, il retouche, il crée. Ce n’est pas un écrivaillon, non, Arturo Bandini a du talent. Il l’avait pourtant clamé, il suffisait de le croire.
Fante s’amuse. Il nous mystifie avec ce double-discours, cette mise en abîme, cette double façon de vivre les scènes. Bandini est jeune, orgueilleux, complexé, lâche. Et pourtant comment ne pas s’y attacher ? Voici toute la complexité de ce roman qui met en scène un jeune homme en tout point antipathique, perclus de doutes mais pétri de talent vu à travers la plume bienveillante de John Fante. Il y a bel et bien deux écrivains dans ce livre ou plutôt un seul écrivain à deux périodes de sa vie. Et c’est cette alternance entre la rudesse, la bassesse, la jeunesse, l’orgueil de Bandini et le génie, la malice, la bienveillance et la sagesse de Fante qui font de «Demande à la poussière » un véritable chef d’oeuvre.