Divergente 1
6.6
Divergente 1

livre de Veronica Roth (2011)

En me lançant dans la lecture de Divergent, tome 1, j'ignorais - hélas ! - à quel point ce serait un supplice, où chaque ligne me serait une douleur supplémentaire, où chaque page serait un regret amer ; en voulant m'intéresser aux lectures contemporaines et populaires, je désirais faire un effort d'ouverture, moi qui ne lit habituellement que des classiques : bien m'en a pris. Je risque de paraître, en m'exprimant ainsi, outrageusement prétentieux et pédant, mais la situation est trop grave - grave à ce point que ce livre cumule une moyenne de 6.8 sur SensCritique ! au moment où je publie ces lignes - pour que je reste immobile. Comment peut-on à ce point aimer la médiocrité ?


Cette question, je me la suis posée de nombreuses fois, en contemplant d'un œil effaré les pages crétinisantes de ce roman. Aussi, je ne vais pas chercher à expliquer un succès que je ne veux pas comprendre, mais je vais tenter d'expliquer toute la nullité de ce livre.


Tout d'abord, je souhaite dire que je n'attaque pas ce livre parce qu'il est récent ou parce qu'il s'adresse à un public jeune : de bons livres récents, il en existe, et j'adore tout autant le Monde de Narnia que Le Petit Nicolas. Cependant, ces deux derniers ouvrages ont deux caractéristiques qui font défaut à Divergent : un traitement cohérent de leur sujet et un style agréable, en bref le fond et la forme.



Le fond



Les premiers reproches que j'adresse au livre sont d'ordre très général. On le sait, le genre dystopique est marqué par plusieurs œuvres fondatrices : la plus importante étant 1984, suivi de près par Brave New world et Fahrenheit 451. Ainsi une oeuvre qui se présenterait aujourd'hui sans avoir de compréhension des concepts présentés dans ces livres, serait irrémédiablement vouée à un manque total de pertinence. Prenez la société dépeinte dans le livre, elle n'est absolument pas crédible. L'auteur n'a aucune idée de l'échelle de sa société et la bâtit d'ailleurs sur un concept assez risible : la chute de la société - l'apocalypse pourrait-on dire - serait due, non à la guerre ou à la course aux richesses, mais à la propension naturelle de l'homme au mal (une paraphrase assez tendancieuse de la Bible). Il y a également le fameux système des cinq factions censées assurer la vie en harmonie de tous, aussitôt désamorcé par une évidence très appuyée, la lutte des classes... pardon ! des factions (oui, ils se détestent tous entre eux, ce qui ne risque pas d'atténuer la propension de l'homme à faire le mal). Bien sûr, je ne vais pas citer dans cette partie, ni dans les autres d'ailleurs, l'ensemble des incohérences ; et si je souhaitais être exhaustif ma liste serait plus longue que le roman lui-même.


Le deuxième reproche est le suivant : le roman est stupide (je parle du roman, pas du personnage principal que j'évoquerai tout à l'heure). En effet, alors que les contes de fée se placent à un niveau de compréhension supérieur à leur lecteur, pour ainsi permettre à l'enfant/l'adolescent de comprendre quelque chose qu'il ne connaît pas, ici la réflexion du roman est inexistante : l'auteur qui avait 20 ans au moment de l'écriture, en tant qu'Etats-unienne, ne doit certainement pas connaître grand chose au fonctionnement des sociétés et des individus.


Ensuite, tout ce qui passe dans l'histoire est présenté avec une absence totale de subtilité. D'abord, le livre évacue totalement le twist qu'aurait pu constituer le fait que la ville soit Chicago. Ensuite, les dialogues y sont écrits au burin et sont inintéressants au dernier degré (e.g. : "Ton nom me dit quelque chose. Ce n'est pas toi qui as sauté la première ? Si, c'est ça. - Bravo. - Merci."), comme par exemple les deux lignes qui expliquent pourquoi les audacieux n'ont pas peur. Les personnages secondaires sont quant à eux parfaitement vides et mal écrits. Les rapports qui se dessinent entre les personnages n'ont tout bonnement aucun sens, et il est impossible de se figurer à l'esprit que de tels personnages existent (ce qui est pourtant l'objectif d'un roman). Divergent offre également, et c'est à signaler pour l'anthologie des plus mauvais livres jamais écrits, dans le but probable de faire "mouiller" les adolescentes débiles qui ont constitué ses lectrices, une des histoires d'amour les plus improbables et les moins subtilement présentées que j'ai pu lire : c'est à peine croyable. Enfin, l'histoire regorge de scène involontairement comique : Katniss (pardon : Tris) qui se fait draguer par Quatre (pardon, j'ai eu un fou rire, rien qu'à écrire son nom) en escaladant une grande roue ; ou totalement absurde : cette manière dont les audacieux se combattent "sans déclarer forfait", qu'est-ce que cela veut dire? que l'on est battu uniquement si l'on perd connaissance ? Où est le médecin dans ces cas-là ? Comme ils font certainement partie des Erudits, personne ne viendra, donc nous n'avons qu'à dire que le pauvre bougre se réveille de lui-même quand sa lésion au cerveau aura disparu. Problème résolu (ce sont des Audacieux, en même temps...).


J'attire enfin votre attention sur un des personnages principaux - je ne peux pas l'appeler héroïne, ce serait mentir - les plus imbéciles et les plus agaçants qu'il ait été donné de lire : Béatrice. Et le pire, c'est que nous sommes en permanence dans sa tête ! L'auteur n'a pas en effet trouvé comme meilleure idée que de raconter Divergent du point de vue unique de cette adolescente insupportable, qui ne comprend rien à ce monde qu'on tente de nous décrire, sans grande ressource et pour laquelle, il m'est impossible d'avoir de l'empathie. Rien ne nous ai épargné de la vacuité de ses réflexions, de l'ineptie de ses paroles et de l'incohérence et/ou stupidité du monde qu'elle prétend habiter. Je cite : "Moi, je ne fumerai jamais ; le tabac est directement lié à la vanité" (fou rire de ma part) ; c'est bien connu tous les fumeurs sont vaniteux, y compris ceux qui luttent pour arrêter.



La forme



Ne me dites pas que c'est un détail : elle est indissociable du fond.
Il faut constater que l'auteur - aidée en cela par sa traductrice - n'a aucune idée de ce que signifie "écrire un texte", et je dois donc rappeler qu'un texte est un ensemble de phrases cohérentes (pour ceux qui ne considéraient pas les cours de français intéressants). Là, on assiste à une démonstration de tout ce qu'il ne faut pas faire. Et lorsque que je dis qu'elle ne sait pas écrire, c'est que tous les compartiments de l'écriture sont atteints. On dira que je tatillonne mais c'est exactement ce qui m'agace quand je lis (du plus général au plus particulier) :



  • le découpage des chapitres est parfaitement hasardeux: comme l'auteur ne sait pas construire un chapitre, elle s'arrête au bout de dix pages, laissant parfois des moments de suspens inutiles, ou encore sépare deux séquences par trois astérisques, là où un changement de chapitre eut mieux valu.

  • les paragraphes sont construits de bric et de broc dans un joyeux méli mélo : nul ne saurait dire, s'il n'étaient marqués par un saut de ligne, où ils commencent ni où ils finissent puisqu'ils n'ont ni début ni fin. Les phrases s'enchaînent sans aucune cohérence, comme s'ils s'agissait de bouts de pensée sans aucun rapport entre eux pour les relier.

  • les phrases averbales débarquent presque toujours à contretemps.

  • la syntaxe est tout bonnement abominable : tout sonne faux à la lecture.

  • l'auteur empile les expressions figurées sans jamais décrire correctement ce qu'elle raconte.

  • la grammaire est absolument illisible : je n'ai rien contre l'usage du présent mais la concordance des temps, cela aide beaucoup à la lecture. Et l'usage des "on" est à s'arracher les cheveux de la tête : c'est moche !

  • la ponctuation est totalement aberrante : l'auteur ignore tout bonnement l'usage des deux points, du point virgule, et de la virgule.
    Bref, on a le sentiment de lire le brouillon d'une histoire qu'une collégienne de troisième aurait rédigé à chaque intercours de l'année, sans la moindre relecture, et pas d'avoir à faire à un livre publié chez un éditeur à comité de lecture ! Et encore c'est insulter les collégiennes et collégiens dont certains écrivent mieux que cela, j'en suis persuadé.



Péroraison



Il faut noter que je lis ce livre dans une traduction qui, si elle n'arrange rien au texte d'origine, n'en accentue pas les faiblesses. J'en viens ainsi à l'une des réflexions que je me fais à ce sujet. Ce livre étant un best-seller - un best-seller parut sur la liste du New York Times, tout de même ! - je suppose qu'il a dû bénéficier d'une traduction totalement précipitée, afin que le livre se retrouve sur les étals de tout libraire vénal (et qui ne le serait pas) avant qu'une version piratée n'apparaisse sur le net (ce qui ne serait pas plus mal d'ailleurs, parce que payer 17€ pour "ça" c'est du vol !). Il a également la particularité d'être étiqueté littérature "young adulte", un des termes les plus fallacieux inventés ces dernières années par les éditeurs. Si on l'entend au premier degré, le "jeune adulte" devrait avoir entre 20 et 30 ans, et, si je peux imaginer qu'un(e) adolescent(e) de 12 ans trouve plaisir à cette lecture de débutant (dont il faudrait châtier la personne qui l'a offerte), je ne conçois pas qu'un individu de 25 ans puisse l'apprécier, à moins d'avoir - pardonnez-moi le terme - des goûts littéraires de merde ! Je considère par conséquent que le terme "young adult" est une manière habile de déculpabiliser les lecteurs adultes (de 20 ans et bien plus) qui n'auraient la tentation d'acheter le livre qu'à la condition de le voir dans un autre rayon que la littérature jeunesse : une forme d'hypocrisie en somme, puisque pour ma part je n'ai aucune honte à dire que j'ai apprécié la série des Garin Trousseboeuf de Evelyne Brisou-Pellen. C'est donc une histoire de gros sous et non plus de démarche artistique.


Style : 0


Histoire : 0


Note : 0


A l'inverse de tout cela Madame Bovary, le chef d'oeuvre de Flaubert à l'ambition et au talent incommensurable, n'a sur SensCritique qu'une moyenne de 7.1 ! Et bien sachez que dans ces 0,3 point d'écart, vous pouvez y mettre tout ce qui fait qu'un roman est un roman, y compris le génie du style et de la satire ! Alors par pitié, lisez ce livre si cela vous chante, adorez-le si vous n'avez aucun goût, et avouez ce plaisir avec honte, mais ne me dites pas que c'est de la littérature !

Créée

le 13 sept. 2015

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Quentin Pilette

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