Paul Dombey est très riche. Il a hérité de la maison Dombey and Son de son père. Il vit comme se le doit un être de son rang, en étant satisfait d'avoir un fils pour lui succéder pour qu'il puisse perpétuer ce nom si prestigieux, en regardant de haut les autres qui ne sont là, au fond, que pour le servir. Et il y a Florence, sa fille. Il est bien obligé de la tolérer puisqu'elle est là, mais elle n'a vraiment aucune utilité dans sa destinée si glorieuse et méritée. Une chose en trop dans son monde qui ne tourne qu'autour de lui...


On comprend très vite que Paul Dombey est à l'orgueil ce qu'Ebenezer Scrooge d'Un chant de Noël est à l'avarice. Et comme pour Ebenezer, la chute sera aussi brutale et tardive que salvatrice. Mais cette fois, pas de fantômes pour le mettre face à un miroir qu'il est difficile de regarder, mais une fille dont l'affection débordante (malgré tout !) finira par lui faire comprendre où est l'essentiel.


Oui, la trame principale est celle d'un père qui va devoir apprendre à aimer sa fille qu'il a négligée, méprisée, jalousée...


Ce Dickens n'est pas parmi les plus connus. À vrai dire, il est même parmi les méconnus. Il suffit de voir que pendant un bon paquet de décennies, pour pouvoir le lire dans une traduction française, la seule édition récente était un des volumes constituant l'intégrale de l'auteur dans la collection de la Pléiade. Alors que dans le même temps, il y a eu une pléthore de publications d'Oliver Twist ou de David Copperfield par exemple. Pourtant, je le trouve tout à fait digne des plus célèbres œuvres du Monsieur.


Je défie quiconque de lire les toutes dernières lignes, poignantes, de l'ensemble sans être fortement touché, à moins d'être un sociopathe. Là, l'écrivain atteint un sommet d'émotion et de subtilité.


Et comme tout bon Dickens qui se respecte, autour de cet amour qui mettra du temps à être partagé, on aura toute une palanquée d'intrigues secondaires (mais toujours liées à la principale !) avec une vaste galerie de personnages hauts en couleur, où tout se côtoie, les riches et les pauvres, les bons et les mauvais, les quelques destins heureux avec la multitude de ceux détruits.


Je ne vais pas les présenter tous, car il faudrait écrire tout un livre pour le faire.


En dehors du père et de la fille, je vais juste évoquer quelques figures rapidement.


Celle émouvante du fils et du petit frère, le petit Paul, à l'existence tragiquement courte, qui, en dépit de son jeune âge, comprendra tout de suite, lui, où est l'essentiel lors de notre passage terrestre.


Celle du grand antagoniste, le bras droit, Carker, au très large sourire aux dents bien blanches qu'il exhibe sans cesse (les habitués et habituées de Dickens savent que celui-ci se plaisait à appuyer sur des détails grotesques pour donner vie à ses personnages !), en qui Dombey a placé un peu trop sa confiance en ce qui concerne sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Un être, non dénué de complexité, repoussant et fascinant à la fois, que l'on ne peut que haïr tout de suite, en ayant envie de lui foutre un coup de poing bien placé dans le cintre qui lui sert de bouche, mais tout en continuant à être troublé par lui, car il a vraiment de ces ambiguïtés intéressantes.


Le sympathique et drôle capitaine Cuttle, un brave cœur, ne demandant qu'à servir ceux qu'il aime, candide quant aux relations humaines, ayant une peur irrationnelle et ridicule de sa logeuse, et employant un langage maritime métaphorique que lui seul peut comprendre ainsi que des citations n'ayant absolument rien à voir avec ce qui se déroule au moment où il les prononce.


J'aurais pu parler aussi d'Edith, la seconde épouse, glaciale et fière (ne montrant que son cœur à Florence !) sur laquelle l'orgueil du protagoniste n'aura aucune prise.


Mais, je préfère vous laisser le plaisir découvrir toute la richesse de ces 900 pages injustement inconnues dans notre bel hexagone. Croyez-moi, elles en valent largement le coup, car Dombey et Fils est un très beau Dickens.

Plume231
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le 9 févr. 2021

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