Dracula
7.7
Dracula

livre de Bram Stoker (1897)

Quelques rides, mais toujours capable de faire rêver - ou cauchemarder.

Douze ans. C’est le temps qu’il m’aura fallut pour lire Dracula. Commencé dans sa version originale alors que mon anglais était encore balbutiant, j’avais abandonné en milieu de course. Prise d’un élan nouveau et d’une assurance retrouvée, je me suis retrouvée face à face avec l’ouvrage il y a trois semaines. Cette fois ci, rien ne m’arrêterait.
Et pourtant, à nouveau des écueils se dressèrent entre moi et ma culture générale. Pas étonnant que j’ai échoué il y a douze ans. Même avec l’habitude de lire en anglais, ce Dracula, qui date quand même de la fin du XIXème, n’est pas pour les débutants. Mais quand est il du livre en lui même ?


Après m’être farcie une certaine quantité d’adaptations plus ou moins réussis, j’avais comme beaucoup le sentiment de connaître l’oeuvre de Stocker. Pourtant, ce livre recèle plus de surprise que ce à quoi je m’attendais, même si le lecteur contemporain, qui connaît déjà les grandes lignes du mythe, n’a certainement pas la même lecture que s’il le découvrait en 1897, vierge de tout l’imaginaire que nous avons acquis.


Le début tout d’abord, est beaucoup moins palpitant que ce que j’espérais. Il était probablement à l’époque une manière pour faire monter l’angoisse chez son lecture, lui faire prendre conscience que quelque chose d’étrange allait se passer, mais pour moi, il fut simplement long. Attention, lorsque l’on essaye de lire le livre en oubliant ce que l’on connaît du mythe, les premières rencontres de Harker avec les locaux font leur petit effet. Le personnage est entouré de gens superstitieux à l’excès, et cela éveil l’attention. De même, la cavalcade du cocher pour arriver en avance au point de rendez vous et ainsi ramener Harker avec lui est aussi plutôt sympathique. En fait, dès lors que Stoker nous fait sentir l’anormalité et le danger du monde dans lequel Harker s’apprête à plonger, il est efficace. Néanmoins, les descriptions sans fin de paysage m’ont un peu gâché le plaisir. Et même lorsque Jonathan est dans la gueule du loup, le manque d’action casse un peu l’ambiance glaçante mise en place. A l’époque cette entrée en matière était peut être grandiose, mais ces derniers jours j’avais simplement envie passer à la suite.


Et quelle suite !


Dès lors que le Comte se met en route pour l’Angleterre, les choses prennent un nouveau tournant. On apprend à apprécier Lucie et Mina et même si je ne suis pas adepte d’histoires d’amour, on se prend à voir ressortir un peu de notre côté fille et à apprécier les lettres et les journaux des deux amies. Et à mesure que le Comte étend son pouvoir sur Lucie, on ne peut s’empêcher de vouloir presser Van Helsing de ramener ses fesses au plus vite. Car contrairement au lecteur de l’époque, le moderne, lui, sait ce qu’il en est. Et comme les adaptations que j’ai put voir du film ont toujours été quelque peu différente de la réalité du livre, on se prend à espérer que la jeune fiancée s’en sortira. A chaque transfusion on se dit pourtant que la fin est proche. Toutefois, Stocker à bien fait de faire trainer un peu ce passage. Car à chaque fois que l’on croit Mina sauvée ou condamnée, une nouvelle nuit change la donne. Et le récit prend un rythme de croisière fort plaisant à suivre. La réunion de toute l’équipe de chasseur de vampire signe quant à elle le signal d’alarme. Ca y est, après avoir subit, les protagonistes vont se montrer plus actifs.
Et de fait, la course contre la montre qui s’engage explique au moins à moitié l’engouement qu’à put susciter le livre au travers les décennies. En accordant à Madam Mina une « cervelle d’homme », Stocker l’intègre complètement au récit et si elle n’en reste pas moins une faible femme, les circonstances prouvent qu’elle n’en est pas moins forte.
A l’époque de la sortie du roman, je n’ose imaginer les frissons, le mystère inhérent à la situation, et la frustration du lecteur qui, sentant bien que Van Helsing détient la clé du mystère, n’y accède que petit à petit. Pas étonnant que le mythe ait si bien prit !
Car le personnage du Comte, avec tous ses pouvoirs, son emprise, sa magie et son mystère est un personnage fantastique dans tous les sens du terme.


Seule la fin, je dois dire, m’a laissé un petit goût de trop peu. Elle clôt bien le récit il est vrai, mais on ne peut s’empêcher de se dire « tout ça pour ça ? ». Même pas un petit corps à corps avec le monstre ? Elle est logique et bien ficelée, mais pour le lecteur d’aujourd’hui qui à tendance à être nourrit de combats majestueux achevant les oeuvres, c’est un peu décevant. Et pour le coup, si le reste du livre nous fait bien ressentir les émotions de Mina, Jonathan et compagnie, cette fin n’en suscite que peu alors qu’il y aurait eut de quoi nous émouvoir un minimum. La tristesse, le soulagement, on ne les ressent pas vraiment alors que le dénouement d’une telle histoire devrait tout de même susciter quelques réactions !
Enfin, pour ce qui est du côté factuel, soyons réaliste. On aurait bien vu un affrontement grandiose, mais cette fin est plus réaliste et logique. Elle aurait gagné à être un peu plus soignée d’un point de vue psychologique et émotionnel, mais ce n’est au final qu’un détail.


Outre l’histoire qui est entrée dans les annales, Dracula a une structure narrative originale qui fait elle aussi son petit effet. Et d’un genre que j’aime assez, je dois l’admettre. Car en évitant d’avoir un narrateur unique avec ses propres oeillères, ou un narrateur omniscient, Dracula offre au lecture un nouveau plaisir de lecture. Le lecteur en effet, s’il est prisonnier des cours comptes rendu de différents personnages pour se faire une idée de la situation, est néanmoins capable de se familiariser avec le mode de pensée des personnages principaux. Les pièces du puzzle se recoupent dans son cerveau avant que cela ne soit le cas dans l’esprit des personnages et les détails insignifiants pour eux prennent une autre valeur à nos yeux. Un genre particulier mais très efficace ici.


Alors est ce que ce Dracula valait ses douze longues années d’attente ? Très certainement. Car lorsque l’on se réfère à un mythe, il est toujours plaisant de pouvoir contempler ses bases. De plus, mis à part quelques petits défauts ici où là, le roman est incroyablement prenant et son rythme embarque le lecteur dans l’aventure de ces personnages lambdas sur qui le malheur, le mauvais oeil, le diable à choisit de s’abattre.
Un roman passionnant si l’on a un peu de patience à lui accorder et si l’on accepte de se vider un peu l’esprit de notre culture moderne.

Créée

le 25 oct. 2016

Critique lue 252 fois

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Gaby Aisthé

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