(p149) "Pourtant il se doutait bien que ce qu'il regrettait ainsi, c'était un calme, une paix qui n'auraient pas été pour son amour une atmosphère favorable. Quand Odette cesserait d'être pour lui une créature toujours absente, regrettée, imaginaire ; quand le sentiment qu'il aurait pour elle ne serait plus ce même trouble mystérieux que lui causait la phrase de la sonate, mais de l'affection, de la reconnaissance ; quand s'établiraient entre eux des rapports normaux qui mettraient fin à sa folie et à sa tristesse, alors sans doute les actes de la vie d'Odette lui paraîtraient peu intéressants en eux mêmes - comme il avait déjà eu plusieurs fois le soupçon qu'ils étaient, par exemple le jour où il avait lu à travers l'enveloppe la lettre adressée à Forcheville.
Considérant son mal avec autant de sagacité que s'il se l'était inoculé pour en faire l'étude, il se disait que, quand il serait guéri, ce que pourrait faire Odette lui serait indifférent. Mais du sein de son état morbide, à vrai dire, il redoutait à l'égal de la mort une telle guérisson, qui eût été en effet la mort de tout ce qu'il était actuellement."



(p160) "La personne même d'Odette n'y tenait plus une grande place. Quand du regard il rencontrait sur sa table la photographie d'Odette, ou quand elle venait le voir, il avait peine à identifier la figure de chair ou de bristol avec le trouble douloureux et constant qui habitait en lui. Il se disait presque avec étonnement : "C'est elle", comme si tout d'un coup on nous montrait extériorisée devant nous une de nos maladies et que nous ne la trouvions pas ressemblante à ce que nous souffrons."
vico12
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 3 mai 2012

Critique lue 512 fois

1 j'aime

vico12

Écrit par

Critique lue 512 fois

1

D'autres avis sur Du côté de chez Swann

Du côté de chez Swann
guyness
8

L'âme a de l'aine, Proust !

Et puis d'abord je suis qui, moi, pour donner un avis sur Proust ? Hein ? Je suis qui, moi, du haut de mes 700 et quelques bouquins notés sur SC pour donner une note sur Marcel, que d'aucun...

le 11 août 2011

76 j'aime

15

Du côté de chez Swann
Nomenale
9

J'irais bien refaire un tour...

Si l'on m'avait dit qu'un jour, même il y a six mois, je lirais du Proust, j'aurais ri. Parce que je lis beaucoup mais rarement de la "grande littérature". Parce que même ma môman, mon premier...

le 25 mai 2013

52 j'aime

10

Du côté de chez Swann
Clairette02
10

L'édifice immense du souvenir

Ecrire une critique sur Du côté de chez Swann ? Cela me semble impossible. Complètement absurde. On ne peut pas relever les défauts, admirer les qualités d'une telle oeuvre. Ce roman se lit et se...

le 25 nov. 2011

44 j'aime

9

Du même critique

Journal d'un vieux dégueulasse
vico12
8

ok ta mer

Dieu ne nous a jamais payé notre loyer ni une bouteille de vin. la prohibition a engendré plus d'ivrognes que les varices de nos grands mères. on n'enfreint les interdits que parce qu'on nous les...

le 10 mars 2014

4 j'aime

Un homme qui dort
vico12
9

Critique de Un homme qui dort par vico12

(p105) Libre comme une vache, comme une huître, comme un rat ! Mais les rats ne cherchent pas le sommeil pendant des heures. Mais les rats ne se réveillent pas en sursaut, pris de panique, trempés de...

le 13 févr. 2013

3 j'aime

L'Idée de l'Europe en Bohême
vico12
6

Critique de L'Idée de l'Europe en Bohême par vico12

c/c de ma fiche de lecture rendue sur le bouquin (style scolaire, donc) « L’idée de l’Europe en Bohème », de Jan Patocka (1907-1977) est un regroupement de quatre textes écrits entre 1938 et 1975...

le 20 févr. 2015

2 j'aime