Emma
Emma

livre de Tess Corsac ()

Il y a plusieurs décennies, un virus nommé Emma a divisé par quatre-vingt la population mondiale. Son modus operandi : environ cinq ans asymptomatiques, puis une lente dégénérescence jusqu'à la mort. En sortant du village dans lequel elle a vécu son enfance, une jeune femme, Azur, se confronte à la dure réalité de ce monde. Avec une question en toile de fond : quand peut-on dire de quelqu'un qu'il est humain ?


Pour voir le trailer : https://www.youtube.com/watch?v=yfg9dAPnVjk


Connaissant personnellement l'auteure du roman, et ayant eu de multiples occasions de lire ses autres textes, j'ai été assez dérouté en lisant son premier ouvrage publié. J'y ai retrouvé sa plume habituelle, ses univers teintés d'oppression et ses personnages qui luttent contre quelque chose de plus grand qu'eux. Mais je n'y ai pas retrouvé son style coloré de mots recherchés ou ses cliffhangers de qualité qui faisaient le sel de Territoires Inconnus. Comme si la plume de l'auteure avait conclu un compromis vers la facilité de lecture, quitte à perdre en saveur. Globalement, Emma m'a surtout fait penser à Canis Lupus, surtout dans sa construction linéaire, en plus de quelques autres similarités (omniprésence de la chasse, rapprochement Basile-Basalte).


Pour se concentrer sur le roman lui-même, sa principale force est à n'en pas douter son univers. Un univers sombre, où la maladie règne sans partage, où des formes humanoïdes rôdent comme des bêtes dans les forêts, où seuls les villages défendus conservent un semblant de confort et de normalité. Le vocabulaire choisi appuie l'unicité de ce qui aurait pu n'être qu'une simple vision post-apocalyptique supplémentaire : on parle de Moisson pour les ravages d'Emma, de stades 1 à 3 pour les contaminés, de bavoirs pour les masques de protection, de marques-passeports indiquant qu'une personne est saine ; des éléments comme les conserves, les remèdes anti-moustique ou les armes à feu prennent une importance certaine ; certains rôles sont soulignés comme Médecin, Artisan ou Furet (explorateurs)... La cohérence du monde est donc assurée, au point qu'on pardonne quelques faiblesses, par exemple les contaminés experts en survie là où les villages y travaillent toute la journée. On prend plaisir à découvrir ce monde malade à travers les yeux de la narratrice, à suivre son quotidien orienté sur la survie, et même à apprendre ce que sont devenues les villes du sud de la France dans cette post-apocalypse.


Là où ça pèche un peu, c'est dans le style. Il m'a semblé uniformisé aux standards de la littérature jeunesse : vocabulaire simple, récit très factuel... Ce ne serait pas un problème en soi si on n'y perdait pas une partie de profondeur psychologique en chemin. Les réflexions de l'héroïne sont généralement courtes et la diversité des situations effleure un grand nombre de sujets sans y accorder du temps. La question de l'humanité, qui est censée être un axe central du roman, aurait probablement mérité davantage d'attention. Là où le projet Cicada exploitait à fond et avec une maturité impressionnante la question de l'identité, quitte à délaisser le côté spectaculaire, Emma a le problème inverse.


Autre défaut, peut-être lié au précédent : la narration linéaire, à base de scènes mises bout à bout. Si certains passages sont marquants, la manière dont les scènes s'articulent ne crée pas une tension, un suspens qui donne envie de lire la page suivante. Il y a du danger immédiat, par moments, mais Azur s'en sort assez rapidement. Difficile de s'attacher aux personnages, à part peut-être au noyau central (Azur, sa tante et ses amis proches). Ceux-ci ne parviennent pas toujours à développer une aura qui les différencient les uns des autres, au point qu'on oublie à quoi certains noms font référence. En bref, on parcourt le livre sans s'y émerger complètement, comme si on passait dans plusieurs bains différents, contrairement à ce que pouvait laisser penser le trailer. C'est dommage pour un univers post-apocalyptique, un monde d'information limitée où les zones d'ombre sont autant de voiles à faire miroiter au lecteur et où la quête du personnage principal se heurte à de multiples retournements de situation.


En conclusion, Emma propose un univers post-apocalyptique de qualité soumis aux codes de la littérature jeunesse, ce qui quelque part l'empêche d'être exploité à fond. Le roman se visualise un peu comme dans un film, avec une esthétique sombre dans des tons vert foncé et une progression par scènes articulées avec plus ou moins de fluidité. Le tout est agréable à lire, donc, mais sans parvenir à se démarquer. Il n'empêche que j'attends le prochain roman avec impatience pour suivre la progression de l'auteure !

ChevalierPetaud
7
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le 26 déc. 2017

Critique lue 256 fois

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