« En attendant Bojangle » est un premier roman signé Olivier BOURDEAUT. Il est sorti des presses en août 2016 et il a fait un carton plein de critiques, le plus souvent élogieuses, et d’invitations pressantes à le lire. Or, voilà seulement que je l’ouvre, pourquoi ? Très probablement parce que, justement, il a été l’objet de trop de bonnes critiques…

Ce petit roman (160 pages) se lit très vite, très facilement, sans aucune prise de tête mais avec une multitude de bulles pétillantes, de pieds de nez à la raison raisonnante, de gifles aux croyances en matière d’éducation, de culture, de travail, de gestion du temps et, surtout, de ces grands écarts qui existent – ou non – entre les vérités ou les mensonges bienfaisants.

Ce n’est pas si souvent qu’une quatrième de couverture dit exactement ce qui est, ce qu’il faut savoir, sans trop en dire trop et ôter toute envie de lire le roman. C’est donc avec facilité et joie que je la cite :
« Sous le regard émerveillé de leur fils, ils dansent sur ‘Mr Bojangles’ de Nina Simone. Leur amour est magique, vertigineux, une fête perpétuelle. Chez eux, il n’y a place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis.
Celle qui donne le ton, qui mène le bal, c’est la mère, feu follet, imprévisible et extravagant. Celle elle qui a adopté le quatrième membre de la famille, Melle Superfétatoire, un grand oiseau exotique qui déambule dans l’appartement. C’est elle qui n’a de cesse de les entraîner dans un tourbillon de poésie et de chimères.
Un jour, pourtant, elle va trop loin. Et père et fils feront tout pour éviter l’inéluctable, pour que la fête continue, coûte que coûte.
L’amour fou n’a jamais si bien porté son nom. »


Alors, ai-je aimé ? Oui, je peux le dire. Est-ce que ce livre m’a plu ? Non, pas vraiment !
Ma cote ne peut que résulter d’une moyenne entre la taquinerie faite aux étoiles du style et le vide abyssal d’une réflexion profonde sur l’enfance. Entre 0 et 10, je me résigne à donner un 5 !
J’ai aimé le côté champagne de l’écriture qui, même si la ficelle est connue, donne la parole à un enfant et lui fait porter sur le monde adulte un regard faussé par l’accumulation de vérités à l’envers qui jalonnent l’éducation qu’il reçoit et le plaisir immédiat qu’il ressent à pouvoir fuir toutes les réalités et les frustrations qui, ‘normalement’ cadrent l’apprentissage à la vie (Il n’y a plus d’horaire, plus d’obligation scolaire, plus de distance entre les rôles, fonctions et devoirs des parents ou de l’enfant). L’écriture est légère, fluide, inattendue, cocasse, burlesque. On sourit beaucoup !
Et comme certains caractères typographiques peuvent être ombrés pour en augmenter le relief, les dires de l’enfant sont soutenus par le journal tenu par le père qui, tout en disant la même chose (et rien de plus, ce qui est, à mes yeux, regrettable), en augmente cependant la profondeur et souligne la faille entre mensonge et vérité.

Mais je n’ai pas du tout apprécié le manque de regard critique sur ce type de vie. Il n’y a aucune place laissée à la réflexion, à l’interrogation, au questionnement sur ce qu’il convient – ou non – de vivre. Pire, tout est occulté par la sublimation de cet amour fou qui unit père et mère, dans, pour, grâce et à travers et la folie. Celle de la mère, et, plus subtilement, celle cachée du père qui n’est pas moins féroce et égoïste alors même que le roman feint de le décrire comme altruiste et tout au service, secours et épanouissement de cette femme aimée par-dessus tout !
Or, le vrai drame de ce livre, c’est l’impossibilité d’avenir pour l’enfant. C’est la négation même de l’enfance ! Et, à ce sujet, pas un mot, pas une place laissée à la respiration, le questionnement. Tout, dans ce livre, est pétri du désintérêt total d'un possible pour l’enfant. Ce dernier est occulté par l’extravagance dont les parents font preuve. Pourtant, qui est finalement, profondément seul, perdu, sans ressource ? L’enfant !

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le 21 janv. 2017

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