On s'attend à lire un polar, vu le pedigree de l'auteur et les commentaires sur la couverture de l'édition "poche", et on se retrouve "Entre deux mondes". Ou plutôt non, on se retrouve dès la première page, profondément traumatisante, dans un monde, le nôtre.


Entre les victimes torturées du régime syrien, les exactions des enfants soldats en Afrique, le calvaire des migrants traversant la Méditerranée et soumis à leurs passeurs inhumains, et l'univers quasi dystopique de la "Jungle de Calais" - où se déroule principalement le livre de Olivier Norek -, c'est notre réalité contemporaine, cette réalité que nous refusons de voir, que nous sommes forcés d'affronter. Et cela fait mal, très mal : la lecture de certaines pages s'avérera même une véritable épreuve, et il est difficile de retenir ses larmes devant la cruauté humaine que nous "découvrons" (... mais au fond de nous, nous savons bien que tout cela existe, que tout cela est en train d'arriver à notre porte, non ?) dans ces pages.


Clairement bien documenté - l'auteur, policier et homme de terrain, étant apparemment parti à la rencontre des migrants et des calaisiens avant d'écrire ce livre - le récit de "Entre deux mondes" bouillonne d'une rare humanité, grâce au talent de l'auteur pour faire exister le moindre de ses personnages, et grâce à l'empathie qu'il manifeste envers tous.


On regrettera un peu une écriture passe-partout, utilitaire et efficace, qui condamne le livre au purgatoire de la littérature "jetable", alors qu'on aimerait que tout le monde en France le lise. On se désolera aussi de l'ultime tentative de l'auteur, dans la dernière partie du livre, de redonner à son roman une ambiance de thriller, et d'accumuler coïncidences et invraisemblances pour nous surprendre (ce qu'il fait...). C'était bien inutile, et cela sonne de manière un peu dérisoire par rapport à ce que nous avons lu jusque là. Mais c'est là une petite critique, tant on aura été emportés par la lecture de ce livre important, bien plus important qu'il ne semble, dissimulé dans l'anonymat d'une collection passe-partout de thrillers à la mode.


[Critique écrite en 2018]

EricDebarnot
8
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le 24 déc. 2018

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17 j'aime

Eric BBYoda

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