Exercices brouillons

Je me sentais obligée de faire une critique << négative >> qui expose mon point de vue, là où tant d'autres vouent à Queneau un génie que je ne retrouve pas. Ma note est probablement exagérée, mais je tiens néanmoins à la justifier.
<< Exercices de style >> représente une grande partie de ce que je déteste dans mes convictions littéraires. Cette espèce de mépris inconscient, cette façon d'envoyer tout en l'air pour se prétendre écrivain, et surtout, pour se prétendre au-dessous de tout, au-dessous des règles, alors qu'en réalité (c'est du moins la manière dont je l’interprète, surtout qu'en 1947, on peut difficilement passer outre les avant gardes et leurs nouvelles tentatives) on ne fait que défoncer des portes grandes ouvertes, j'ai trouvé ça désolant dès les premières lignes.
Il s'agit, pour Queneau, de montrer les limites de la langue française telle qu'elle est définie de manière traditionnelle, et des systèmes littéraires parfois mis en place (circuit de l'édition). Sauf que — je trouve — la manière dont il le fait, si elle est originale, me parait lourde, et surtout, j'y ai senti énormément de suffisance mal placée comme s'il était l'un des premiers à faire ouvrir les yeux sur la société alors qu'on pourrait trouver quantité de contre exemples (je peux reprendre les avant garde, Baudelaire, et pas mal d'autre groupes encore). Et qu'il le fait avec une naïveté, une candeur qui pourrait presque passer pour belle s'il y avait un peu moins d'ambition et un peu plus de lucidité, de modestie.
J'ai l'impression d'entendre cet éternel "je suis un écrivain du peuple" d'une personne qui n'appartient pas au peuple.
Alors remettre en question la pertinence du langage académique, des règles, soit ; j'ai déjà dit ce que je pensais du traitement, mais il peut encore passer. En revanche, la mentalité de Queneau, qui remet un peu en question l'inégalité artistique qu'il peut y avoir entre plusieurs personnes, me parait juste aberrante. Enfin, le pire, c'est que si Queneau remet en question le langage académique, il n'hésite pas à cracher sur ce qui me parait être un composant essentiel d'une œuvre — le lien entre l'auteur et le lecteur. Queneau s'amuse quand il écrit, et il amusera quelques lecteurs chanceux, mais cela ne suffit pas. Sa démarche, il la balance à la gueule du lecteur comme un concept, et amuse-toi-à-la-lire-si-tu-veux. Il joue avec le langage mais, à de nombreuses reprises, il le rend incompréhensible pour le lecteur. Voilà ce qu'il en est, voilà ce qui me révulse, voilà ce qui me pousse, aussi, à mettre une si mauvaise note : pour Queneau, le langage est ici amusement, et c'est le réduire à une erreur fatale.
Queneau, bien sûr que tu peux écrire ce que tu veux et comme tu le veux, mais tu peux aussi publier un livre dans une langue entièrement inventée : ce sera innovant, contredira les règles de la langue française, et n'aura aucune pertinence. Comme Exercices de Style d'ailleurs.