Une intéressante présentation de la situation souvent tragique de l'émigration allemande au temps du nazisme dans le milieu des lettres après 1933. Si dans un premier temps, la côte méditerranéenne, encore grandement préservée, put apparaitre comme un refuge idéal à beaucoup de ces écrivains bannis de leur pays et souvent inscrits sur les listes noires de la gestapo, c'est qu'aucun d'entre eux ne pensaient que le nazisme ne pourrait durer longtemps. Les années passant et le nombre des réfugiés ne cessant de s'agrandir, leurs situations devinrent de plus en plus précaires. Coupés de toutes possibilités de publication dans les pays d'expression allemande, ils se retrouvèrent bientôt sans ressources. Un écrivain privé de sa langue cesse d'exister. S'ajouta bientôt à cela une hostilité grandissante d'une partie importante de la population française face à ceux qu'elle voyait avant tout comme des allemands et donc des ennemis; le fait qu'il s'agissait d'opposants au nazisme étant rarement pris en compte. L'attitude du gouvernement français n'arrangea guère les choses puisque, à partir de 1939, un grand nombre d'entre eux furent, absurdement, enfermés dans des camps comme "étrangers-ennemis": la lourdeur bureaucratique n'a jamais su faire dans le détail. L'invasion de la partie nord de la France par les troupes d'Hitler créa une situation de panique qui s'accentua quand fut connu l'article 19 de la Convention d'armistice signé par Pétain et le gouvernement de Vichy. La France s'engageant à livrer tous les ressortissants allemands aux nazis sur simple demande. Ce qui signifiait un aller simple pour les camps de concentration. L'exil lointain devenait la seule issue. C'est ici qu'apparut fort opportunément la figure de Varian Fry. (voir : https://www.senscritique.com/livre/Livrer_sur_demande_Quand_les_artistes_les_dissidents_et_les/456514 )
Les échanges de correspondances que l'on trouve ici permettent de se saisir pleinement de l'extraordinaire tension de cette époque. On y rencontrera, entre autres, les noms de Klaus Mann, de Thomas Mann, de Hermann Kesten, de Alma Mahler, s'adressant à André Gide, à Aldous Huxley. De nombreuses photographies d'époque, une bibliographie et un index des noms complètent judicieusement l'ouvrage.

steka
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le 2 nov. 2017

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