Cette lecture mais cette lecture ! Je ne sais par où commencer cette chronique qui ne reflétera de toute façon pas l’ampleur de l’impact qu’a eu sur moi cette histoire. L’écriture d’abord est superbe, poétique et fracassante. L’évolution intérieure du personnage, qui transparait dans ses actions mêmes est trépidante. Le décor, au même titre que le système politique n’est que très peu développé. Le lecteur sait qu’il se trouve plongé dans une civilisation menacée par la guerre mais c’est tout. Quid de l’invasion du numérique ? Le lecteur ne sait pas et reste dépassé par les événements comme un Montag qui ne trouve plus sa place dans cette société et qui en vient même à ne plus reconnaître sa femme. Seule échappatoire, et peut être l’élément déclencheur de toute chose : sa jeune voisine Clarisse. Un brin décalée, mais ouverte au monde qui l’entoure, elle parvient à rendre à Montag un semblant de vitalité. Sa disparition m’a au moins autant déçue qu’elle a retiré au pompier la dernière touche de considération qu’il portait au Gouvernement. Les personnages secondaires sont vides de substance, à l’exception de Faber et peut-être des marginaux. Beatty fonde ses paroles sur des citations tandis que Mildred est perdue dans les méandres de la technologie, se balançant entre insomnies et pertes de mémoire. La différence réside sans doute en le fait que les uns se réfugient dans la complaisance du totalitarisme tandis que les autres se battent pour une forme de liberté, ne serait-ce que celle des esprits. Si les deux premiers tiers du livre se déroulent plutôt calmement, le rythme s’affole lors du troisième chapitre et la pression retombe d’un coup. Au lecteur ne reste que les questions soulevées par le récit, et les interprétations qu’il peut en faire, comme il ne reste aux marginaux que les livres qu’ils ont mémorisés et l’espoir de pouvoir aider.
En pleine période d’atteinte à notre culture, à nos idées, la lecture de ce roman met en lumière l’importance même de cette culture et dans une mesure plus précise, l’importance d’un patrimoine littéraire. Peut-être la littérature permet-elle de se souvenir des erreurs à éviter. Peut-être permet-elle de s’évader, de se libérer. Chacun trouvera quelque chose de différent à y répondre, comme je pense que chacun pourra trouver un sens caché à ce roman. Mais si une chose est sûre, c’est que la littérature permet de ressentir, d’éveiller une chose ou une autre chez le lecteur connivent. La nature subversive de la littérature semble finalement ne pas être un mal, mais peut-être le remède à bon nombre de maux. Perdez vous dans les livres, réfugiez-vous de manière générale dans l’art. Vous en sortirez sûrement changés, mais vivants.
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