Nick tient le pistolet dans ma bouche comme si c'était son braquemar. J'ai le goût de graisse qui coule au fond de ma gorge sèche. Je suis attaché à une chaise, sans pouvoir bouger, avec ce truc entre mes gencives.
"A la vitesse à laquelle sortira la balle, tu seras mort avant d'entendre le bruit de la détonation," qu'il me dit.
Je ne sais même pas ce que je fous là.


Ca y est, je me rappelle de tout.
Tout a commencé lorsque j'ai rencontré Blondie - une meuf avec des seins comme des obus - à ma soirée hebdomadaire d'adoration de Palahniuk. Elle était là et j'étais là, au milieu des méninistes acharnés qui récitait l'évangile de Chuck. La première évangile est : on ne parle pas du Fight Club, etc. Je l'ai regardée, elle m'a regardé. J'ai tout de suite deviné qu'elle avait deviné. Je suis un imposteur. Un putain d'imposteur.


Six mois plus tôt j'étais allé chez le libraire à cause des obsessions qui me bouffaient le corps. Sorte de cafard qui me grouillait sous la peau en démangeant. Je lui disais au libraire j'en peux plus de vivre dans ce monde où les gens adulent le young adult au point de nous le faire rentrer dans le gosier en mode gorge profonde. Lui, il m'a regardé avec sa tête de demeuré et elle m'a dit d'aller au Fan Club, mais pas n'importe quel Fan Club, celui de Chuck en l'occurrence. J'avais découvert leur délire anti-capitaliste. Mais je trouvais ça extraordinaire qu'on puisse avoir encore autant de liberté dans l'écriture et bordel quel trip de ouf !


Si quelqu'un dit stop ou s'évanouit, le combat s'arrête.


Du coup, je m'y suis rendu toutes les semaines. Deux fois par semaine. Là-bas, je pouvais enfin être moi-même, me plaindre sans limite de la stupidité de ce monde et proclamer à haute voix le nouvel ordre machiste. Même si je m'en battais pas mal les couilles de leur idées machistes à deux balles.


Deux opposants par combats.


Alors je vais voir Blondie et je lui dis qu'est-ce que tu fous là ? Elle m'a regardé avec des yeux et ses cils, et à ce moment-là j'avais très envie de la baiser. J'ai arrêté de lire de la merde, qu'elle dit, parce qu'on croie posséder les choses et c'est les choses qui nous possède. Ça lui faisait plaisir de dire ça.


C'est quelque temps après avoir rencontré Blondie, que toute ma vie est partie en live. Je bossais dans l'administration : paperasse et compagnie, ça pourrait prêter à rire. Du coup, j'ai dû quitter mon taf et mon appartement qu'avait brûlé dans un feu de papier.


Les flics m'ont dit qu'il valait mieux pas que je reste. Le papier brûlé c'est pas très sain pour la santé. Je me suis taillé dare-dare et j'ai commencé à chercher un logement cool, mais avec ma gueule de déterré qu'avais pas dormi 72h j'avais nulle part où aller.


Un combat à la fois.


Au désespoir j'ai décidé d'appeler un pote dont le numéro était gravé sur la semelle de ma chaussure droite que j'avais rencontré à la librairie, le gars feuilletait un exemplaire relié en cuir de vachette d'A rebours. C'était Nick.


Nick était le genre de gars sans scrupules, il entrait dans les librairies et aux rayons des romans ados, il sortait sa queue et se mettait à pisser sur ses pages plus nauséabondes que l'urine qu'il gardait depuis trois jours.


Je sais cela parce que Nick sait cela.


Sa baraque, c'en était pas une, vu qu'il avait emménagé dans une papeterie désaffectée qui s'étendait sur trois étages. Il s'était installé là en attendant que ça devienne un parc écologique de mes couilles ou un collège basse consommation, genre développement durable.


On s'est posé là tous les deux en loucedé, puis on a commencé à faire notre petit business : à la sortie des librairies, on prenait le dernier Marc Lévy et on se mettait à le conchier en public. De temps à autre, on se ramenait avec un barbecue branlant qu'on faisait sauter sur les pavés pour ameuter la populace. On nous offrait de l'alcool à brûler et c'était parti pour un petit feu de joie.


Les gens commençait à s'intéresser à nous et du coup on leur vendait du rêve : la littérature comme au XIXe siècle.


Pas de chemise, pas de chaussure.


On a balancé avec Nick des prospectus et les mecs ont commencé à arriver à la papeterie. Nick m'a dit de pas les laisser rentrer tout de suite. Que seuls les forts mentalement et les plus déterminés resteraient suffisamment longtemps.


Je sais cela parce que Nick sait cela.


Puis quand ils étaient bien mûr, on leur demandait de tout quitter, de faire leurs adieux et de renoncer à toute leur vie passée. Leur vie de débauche passée à mater les nichons trop bronzés des meufs de la télé-réalité dont les esprits volaient façon rase-mottes avec leur Q.I. de crustacé.


Du coup, on les a engagés pour faire un taf bien précis. Chaque gars était spécialisé dans une tâche : pendant qu'un mec faisait la dactylo du même chapitre d'un même putain de bouquin, un autre imprimait toute la journée ce putain de chapitre particulier qu'il passait ensuite au brocheur qui s'arrangeait pour rabouter les chapitres ensemble du même livre particulier. Une putain d'organisation ! On fabriquait des bouquins pas cher qu'on revendait au prix du matos : que des livres libres de droit. On refourguait ça partout.


C'est à partir de là que Nick à commencer à se faire discret. On le voyait de moins en moins à la papeterie et quand je demandai à des lascars s'ils savaient où était passé Nick, il me répondait que personne ne sait vraiment qui il est, ce qui m'énervait à chaque fois puisque je savais très bien qui il est. Je le savais.


Le combat dure aussi longtemps qu'il doit durer.


Puis un jour il décide qu'il veut me montrer tout ce qui se prépare depuis tout ce temps. Nick avait l'idée de brûler les entrepôts et les librairies qui vendent des bouquins young adult. Il avait lu dans un livre que si on chauffe le papier à 451 degrés Fahrenheit, il commence à se consumer et rien ne peut arrêter du papier qui brûle tant qu'on l'alimente.


Je sais cela parce que Nick sait cela.


Du coup, je lui ai dit que c'était pas possible de faire une chose pareille. Mais il m'a montré comment il allait s'y prendre. En faisait chauffer un radiateur suffisamment chaud pendant suffisamment longtemps on peut parvenir à ladite température et là boum, plus rien ne l'arrête.


Je lui dit qu'il ne va pas faire ça. Il répond que c'est trop tard et que nous avons déjà tout organisé. J'essaie de l'attraper et lui m'assomme à grands coups de poing.


C'est pour ça que je me suis réveillé, attaché, et la bave mêlée à mon sang dégoulinant sur ma chemise devant Nick.


Si c'est votre premier soir au Fight Club vous devez combattre.


Le truc, c'est que tu comprends pas ce qui se passe, il me dit. 120 millions, 50 millions, 20 millions c'est le nombre de copies qu'ont été vendues de Twilight, Hunger Games et Divergent ! Tu crois qu'on peut faire quelque chose devant ça ! Il est temps de repartir de zéro. Tout brûler jusqu'à ce qu'il ne reste plus au sol que ces restes honnis et que le ciel soit brûlant et noir de ces cendres. Il faut que le chaos et l'anarchie rendent aux romans du passé la place qu'elle devrait avoir, au sommet de la pile !


Mais tu ne peux pas dire ça, que je dis, tout ces gens il y a moyen de leur rendre la raison. Tu rêves où quoi ? T'étais le premier à dire que ça t'agaçait. Mais c'est pas parce que je disais ça qu'il fallait en venir à ça. Putain t'es complètement con. Tu l'auras cherché petite vermine : j'ai pas d'autre choix que de te déglinguer la gueule. Bye Bye !


Lorsque je me suis réveillé, j'étais dans un lit. J'étais soulagé, j'allais pouvoir enfin débuter une lecture plus reposante...........................................................................................................................................


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avec American Psycho entre mes mains !!!

Créée

le 8 oct. 2015

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Quentin Pilette

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