Cela faisait un bail que je n'avais pas dévoré un livre de plus de 300 ages en 2 jours, "pas étonnant" me répondront les fans de SF, c'est un "classique" comme on dit. Pourtant je me méfie des classiques, par exemple lorsque je me suis attaqué à l'oeuvre de K Dick je me souviens avoir été dubitatif un long moment, soit parce que l'auteur me larguait dans son délire, soit parce que l'essence du bouquin mettait vraiment trop de temps à se manifester... ce qui n'est absolument pas le cas d'Asimov.
Passons sur le synopsis, Google est votre ami, parlons plutôt du format. En effet, ce premier tome de Fondation est davantage un recueil de nouvelles réunies par un fil rouge plutôt qu'un roman, pourtant il réussit le tour de force de réunir le meilleur des deux mondes. Tout d'abord il ne vous faudra pas attendre 150 pages avant d'avoir le début d'une péripétie, on entre dans le vif du sujet directement et les dénouements ne tournent pas autour du pot, à côté de ça les personnages ont une vraie densité, Asimov est parcimonieux dans leur description mais incroyablement efficace pour les rendre crédibles et charismatiques en quelques mots (même si ils ont plus ou moins tous le même profil: héros machiavéliques/ennemis ambitieux mais médiocres/opposants politiques obtus).
A côté de ça l'auteur pose une toile de fond à la fois convaincante et propice à l'évasion interstellaire. Dans l'ensemble Asimov ne s'acharne pas à décrire précisément la technologie, oh certes on parlera d'énergie atomique, de vaisseaux spaciaux, d'hyperespace, de miniaturisation, de téléportation, de champs de force, etc... mais on sent que l'homme avait en tête que plus il serait précis dans ses descriptions, plus celles ci feraient vieillir son oeuvre rapidement et en feraient un Jules Verne du XXème.
Néanmoins tout ceci est bon, mais la vrai force du livre c'est son thème de fond: la stagnation, la décadence et l'effondrement sur lui même d'un empire dont le moteur a toujours été le progrès technologique, un empire pas si loin de notre occident du siècle dernier.
Autant K Dick insiste sur des thèmes très psychologiques et traitant de l'individu comme de l'impact de la technologie sur la réalité, autant Asimov dans Fondation s'intéresse à l'évolution de l'humanité dans son ensemble, de ses masses, du sens de l'histoire, de son cycle, on pourrait penser qu'une telle mégalomanie dans le choix du thème perdrait le récit dans des méandres sans fn mais le livre capte ce gigantisme en quelques 300 pages et ça c'est exceptionnel.
Pour terminer sur une pointe de nuance je dirais que la principale faiblesse de Fondation est de considérer que l'homme peut innover technologiquement mais ne peut pas évoluer lui même dans sa nature, aussi bien sur un point de vue biologique qu'idéologique. Alors certes il est probable que les doctrines ne seront que l'instrument d'un pouvoir (quelque soit sa forme), celui ci toujours la principale motivation des "puissants", celui ci même qui oriente l'histoire mais cela n'explique pas que Asimov occulte totalement des thèmes comme "l'homme augmenté" et présente notre idéologie judéo-chrétienne laïcisé des années 50 comme une sommet duquel on ne pourrait que régresser. Mais bon, cela reste une œuvre de SF, pas un essai, et la critique est plus que facile 70 ans plus tard, de plus traiter de tout en si peu de pages aurait été impossible.