J'aime bien la statue au premier plan, et derrière, on voit bien les lieux où vont se jouer l'histoire. Je suis pressé de lire le 4e de couverture et de vous en parler...


Plus sérieusement, faisons les choses bien.
Ce cycle, tel que je l'aborde dans sa version finale, c'est à dire les cinq tomes complets (à savoir, Fondation, Fondation et Empire, Seconde Fondation, Fondation Foudroyée, et Terre et Fondation, édition présence du Futur) en omettant assez violemment les ponts entre le cycle des Robots et cette même œuvre (puisque je n'ai pas fini les Robots, nous y reviendrons), ne souffre bien que d'une seule chose, et c'est sans doute notre lot à tous, ainsi qu'à toute œuvre littéraire passée classique : le temps.


Bleu futur


Il est évident qu'une œuvre vieillit, peut-être est-ce encore plus vrai pour une œuvre d'anticipation tel que Fondation, puisque :



Le futur, quelque soit les temps invoqués, aussi lointains soient-ils, se rattrape en quelque décennies, à travers ses destins qui s’enchâssent, et décèdent à l'écheveau de la réalité, décevante.



Mais dans un genre de l'idée tel que la science-fiction (j'entends à l'époque de notre Americano-Russe favori), où la stylistique sert le propos, le soutien, se doit même de ne pas l'embrouiller avec des fioritures dégueulasses, Asimov se pose. Et il se pose grave.


C'est un scientifique, personne ne pourra lui retirer ça, pas même la littérature. C'est du point de vue de la science qu'il aborde le monde, de ces sciences qu'il ne scindent d'ailleurs pas, qu'il fusionne dans la psychohistoire (rappelons le, science qui se veut capable de prédire les changements historiques, les mouvements de masses, en omettant volontairement les agissements de l'individu), les sciences sociales, et les sciences... euh... scientifiques ? Disons physiques. Et cet élément, qui ne lui est pas vraiment propre, retirons lui cela, Asimov n'est pas le seul auteur de Science-Fiction à avoir poncé son sujet, il se retrouve dans la moindre ligne de son écriture. Ça n'est pas pour rien qu'on a dit à l'époque d'Asimov qu'il avait l'art des dialogues. Tout s'y passe, tout s'y déroule, l'action est prononcée, l'action se dit. Et c'est là la force d'Asimov, mais la dramatique faiblesse de son œuvre.


Asimov confronte, à travers des courtes scènes qu'on associe (peut-être un peu à tord, une fois que le collage a été fait) à des nouvelles, très souvent deux, au maximum trois personnages, que ce soit dans ses nouvelles ou dans ses romans. Le plus souvent, il le fait dans une configuration qui lui permet d'informer à la fois l'un de ses personnages, ignare du propos, et bien évidemment le lecteur, et cela par le deuxième personnage, qui lui détient les clés, ou certaines clés, qu'ira reforger le premier personnage à travers ses propres informations soudain complétées. C'est un procédé qui lui permet à la fois de ne pas tomber, avec son univers relativement complexe tout de même, dans une science-fiction trop difficile, avec de nombreux objets et situations trop étrangers au lecteur pour qu'il puisse ne serait-ce que suivre le récit. Ainsi les objets s'agitent autour de personnages parlant, personnages qui attirent l'attention et diffusent l'inattention potentiellement produite par les éléments trop étrangers à notre culture, mais qui lui offre aussi la possibilité d'instruire deux "personnages" qui fusionnent, le lecteur, et le naïf. Si on ajoute à cela un point de vue interne, on a la mixture parfaite pour une écriture dynamique, et attractive, loin de ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui "la platitude d'Asimov".


Cette sensation, cette platitude, tient surtout à l'objectivisation des personnages, pur objet d'information pour le lecteur à travers justement ces procédés discursifs, personnages donc dépourvus d'affects (Pas tous. Les "grands" personnages, ceux qui prennent le plus d'espace, même dans l'Histoire du récit, Seldon, le Mulet, Hardin ont des traits. Cependant, il sont très archétypaux, sommaires. Le Mulet est un conquérant dépressif, Hardin, un gros malin, sage et plein de maximes, Seldon, tout ce qu'on peut se faire d'un scientifique éclairés).


Et c'est ici qu'Asimov nous perd. L'une des mécaniques de la science-fiction, peut-être même selon moi la plus importante, c'est celle du What if...?, l'expérience de penser qui nous place loin de notre propre univers, en nous plaçant dans une situation, en temps normal agréablement dépaysante, qu'on tente ensuite de comprendre par les éléments du récits offerts. Asimov ne nous dit pas directement "Je vais vous faire vivre 1000 ans, accrochez-vous, on est partis", il distille l'information au compte-goutte, par ses personnages, qui nous donnent toutes les clés au fur-et-à mesure que nous avançons dans le récit.


Mais Asimov nous frustre, et c'est là qu'aujourd'hui, il perd de sa brillance. Il est un socle majeur pour la science-fiction contemporaine et de fait, quel que soit la SF qu'on lise, on peut l'y trouver (le petit filou). Ses personnages sont donc fades, fait et refait, et cette volonté qu'il a de l'ellipse, nécessaire en soit à son récit, contrecarre la mécaniques d'identification personnage/lecteur, puisque les narrateurs explosent dans tous les sens, décèdent au bout de 20 pages, et nous laissent seul avec le prochain personnage, qui, si on a un peu de chance, tiendra le chapitre. On comprend donc pourquoi à partir du 3e tome, on a plus tellement envie de lire. Quel que soit le narrateur, quel que soit l'attachement qu'on lui portera, il nous glissera entre les doigts bientôt. Peut-être en parlerons-nous un peu après, histoire d'en relancer l'intérêt, mais si vainement... Et comme nous l'avons vu plus tôt, ces personnages sont centraux pour la compréhension de l'univers.


Ainsi, la seule chose auquel nous avons envie de nous raccrocher, c'est cette univers. Hors, il me semble important que cette univers soit acté, soit vécu par les personnages, qu'il fasse sens pour eux, et ainsi pour nous. Mais ce refus de l'identité un, ou deux, du retour sur le même personnage fusille le plaisir de lecture.


La force d'Asimov, c'est sa clarté, avec laquelle on confond très souvent la paresse de construction. Il a fondé avec tout son intellect plusieurs univers qu'il a lié dans ses différents cycles, à travers des thèmes aussi complexes que diversifiés, dans cet immense laboratoire qu'est son cycle Fondation où il expérimente ses idées, et où s'effile son propos. Je recommanderais encore et toujours ces romans, pour la prouesse que cela a été. Le cycle a ses défauts, c'est évident, une certaine redondance de rythme, une incapacité, au bout d'un certain temps, à tenir le lecteur, un refus de la fioriture, nécessaire cependant, étant donné les allégories puissantes qu'il dessine dans son œuvre, j'en recommanderais surtout la lecture afin de comprendre ce qui fait aujourd'hui notre science-fiction. Ce qui la trace et la file. Comme la science-fiction a pu naître (en partie) avec Le Prométhée Moderne, voir ses racines fonder et s'enfoncer avec Jules Verne ou Wells, Asimov est l'un des auteurs qui a le plus influencé le genre à son époque.


Lisez !


Ah oui et en vrai, je trouve la couverture de cette édition dégueulasse, une couverture pour un livre de science-fiction, c'est très très important. Et là, c'est vraiment pourri. Des vaisseaux et une statue ? Vraiment ?


Kiss !

SimonHalimi
8
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le 10 juin 2016

Critique lue 352 fois

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Simon Halimi

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