On a tendance à l'ignorer mais de nombreux films de Eric Rohmer (Ma Nuit chez Maud, La Collectionneuse, Le genou de Claire) sont en réalité des adaptations de nouvelles qu'il a écrit lui-même durant les années 40. Il faut dire que quand il était plus jeune, il ambitionnait avant tout d'être un écrivain et était même parvenu à faire éditer un roman chez Galimard intitulé Elisabeth. Malheureusement, ce fut son seul succès car ses écrits postérieurs ne trouvèrent jamais plus d'éditeurs, ce qui le « força » à se diriger vers le milieu du cinéma et de la critique.
Ainsi, lorsqu'il passa derrière la caméra, il décida d'adapter ses propres oeuvres qui étaient restées au placard pendant des années. Il racontera qu'il eut cette idée en voyant ses amis de la Nouvelle Vague s'inspirer de romans pour faire leurs films. "Pourquoi prendre les livres des autres alors que j'ai mes propres nouvelles ?" se dira-il.
Les nouvelles présentes dans ce recueil Friponnes de porcelaine sont donc celles qui ont inspirés en grande partie les films du réalisateur. Leur lecture revête une saveur particulière pour le cinéphile qui aura l'impression de plonger dans la matrice de l'oeuvre de Rohmer, et plus précisément de ses contes moraux. En effet, on y retrouve ces héros masculins au caractère solitaire dont la rencontre avec une femme bouleversera leur vision du monde.
Il est à noter que les deux dernières nouvelles du recueil sont assez particulières car elles sont en réalité des synopsis de projets de films qui n'ont jamais abouti. L'un d'eux est l'adaptation de l'oeuvre de Dostoïevski Une femme douce où un homme retrouve sa femme assassinée. Rohmer tenta plusieurs fois de mettre en scène ce film dans les années 60 mais se heurta toujours aux refus des producteurs. Friponnes de porcelaine permet donc de se faire une idée de ce à quoi aurait ressemblé le long-métrage.