Gagner la guerre par Stéphane Gallay

Il m’a fallu du temps pour m’attaquer à la lecture de Gagner la guerre, de Jean-Philippe Jaworski. D’abord parce que c’est de la fantasy, qui est loin d’être mon genre préféré (quelque part entre les histoires de vampires et les bilans comptables) et d’autre part parce que c’est un sacré pavé. Le terminer a été beaucoup plus rapide, malgré sa taille.


Gagner la guerre, c’est le ci-devant Benvenuto Gesufal, maître-assassin au service du dirigeant de Cuidalia, une république maritime qui ressemble fort à Venise, qui raconte ses aventures.


Elles impliquent une quantité assez spectaculaire de coups fourrés, entre magiciens fourbes, ennemis plus ou moins barbares (et fourbes) et plans politiciens (fourbes) façon billard à quinze bandes. Le narrateur-protagoniste n’étant pas non plus en reste niveau fourberie, ça remue pas mal.


Précisons tout d’abord que Jean-Philippe fait partie, sous le nom d’Usher, de mes fréquents contacts dans les communautés rôlistes en ligne, à commencer par la Cour d’Obéron, qu’il co-anime avec son épouse. Il est également l’auteur de Te Deum pour un massacre, jeu de rôle sur les Guerres de religion, entre autres. Je peux donc comprendre qu’il y ait un soupçon de copinage dans cette chronique.


Donc, si je dis que Gagner la guerre est un très bon bouquin, vous avez le droit de froncer le sourcil. N’empêche que j’ai trouvé que c’était un très bon bouquin, à l’intrigue tordue comme il sied au contexte et surtout au style remarquable, dont la narration à la première personne a de faux airs de San-Antonio, surtout quand il se met à apostropher le lecteur avec ses états d’âme.


Parlons-en d’ailleurs, de ce protagoniste: Benvenuto Gesufal n’est pas un individu recommandable. C’est un sale type qui fait un sale boulot. Mais on ne peut pas s’empêcher d’éprouver une certaine compassion pour lui: c’est un outil entre les mains de personnages bien plus puissants et retors que lui et il s’en prend plein la gueule – souvent littéralement – du début à la fin.


En plus des rebondissements de l’intrigue, le bouquin exsude une atmosphère particulière, presque palpable. On a presque les odeurs, viles et nobles, de Ciudalia dans les narines. Qui plus est, il y a pas mal d’excellentes idées que les amateurs de med-fan seraient fort inspirés de reprendre (ne serait-ce que les Elfes…).


Il y a aussi un côté « histoire dans l’histoire »: Benvenuto écrit ce pavé pour une bonne raison et un lecteur un peu soupçonneux pourrait même se méfier de quelques figures de style assez étrange, comme des noms très prédestinés (le chef du parti belliciste qui se nomme Sanguinella et le patron de Benvenuto Ducatore). Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur cet aspect de l’histoire.


Bon, maintenant, fini la pommade, on passe au gant de crin. Parce que même si je me suis régalé, il y a quand même des choses qui m’ont un peu agacées.


À mon avis, le roman a les défauts de ses qualités: une langue d’une qualité exceptionnelle et un souci du détail qui rend les rues de Ciudalia incroyablement vivantes; on pourrait en faire le plan en lisant certaines des descriptions. Le problème, c’est qu’en conséquence, l’action tire en longueur; pour dire les choses de façon imagée, le rythme pâtit là où le style s’épanouit.


Bon, ce n’est pas très gênant, dans l’ensemble: comme je l’ai dit, j’ai lu ce bouquin à grande vitesse (l’influence du TGV dans lequel j’ai fini les vingt dernières pages, sans doute…) et sans réellement m’ennuyer. Mais il y a eu certains passages que j’ai survolé plus que lu, à force d’à force. Je tiens d’ailleurs à mentionner que les remerciements valent la peine d’être parcourus.


Bref, messire Usher pourrait presque rajouter un bandeau « Même Alias a aimé » sur ce Gagner la guerre. Si vous aimez le med-fan, vous aimerez ce bouquin; si vous n’aimez pas le med-fan, vous avez quand même des chances de l’aimer. Si ça a fonctionné pour moi, tous les espoirs sont permis!

SGallay
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le 24 avr. 2015

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