En prenant appui sur divers ouvrages théoriques (La Société du Spectacle, Comprendre les Médias, l'Anti-Oedipe...), Wark propose une lecture critique des jeux vidéo, perçus ici comme la forme culturelle majeure du siècle, en cela qu'ils sont à la pointe des transformations de notre monde contemporain. Les jeux vidéo, en tant que boîtes à algorithmes, ne sont-ils pas en effet les meilleurs apôtres de la cybernétisation, de la digitalisation du monde, de la pensée-machine ? L'anecdote est connue, mais les jeux vidéo sont nés sur les ordinateurs de recherche militaire. Pourtant, loin d'être un simple brûlot contre le jeu vidéo, Wark propose avec sa Gamer Theory de subvertir les jeux vidéo de l'intérieur à la manière des hackers. Plutôt Oulipo, rendus célèbres pour les contraintes qu'ils s'imposaient afin de réaliser des œuvres nouvelles, qu'Internationale Situationniste, qui entendaient plutôt le dépassement, la transgression de toutes règles ou contraintes.


Ainsi, chapitre après chapitre, Wark explore un jeu et s'en sert pour décrire le monde tel qu'il est à l'œuvre et son effet sur les individus. Civilization devient ainsi un jeu de propagande pour le monde topologique, le monde de l'information, perçu comme stade ultime de l'histoire. Katamari Damacy, dans sa course au score, serait non seulement la figure contemporaine du mythe de Sisyphe, la boule de pierre ayant été remplacée par la fameuse boule collante, poussée à l'infini pour obtenir des scores toujours meilleurs, mais également la destitution de l'analogue pour le digital : chaque pression du joystick analogique étant reproduite de manière digitale, dans un monde d'informations de qualité équivalentes.


Les concepts développés chapitre après chapitre sont tous très intéressants et laissent cogiter de nombreuses heures après avoir refermé le bouquin. En revanche, j'ai trouvé cette théorie plutôt maladroite sous plusieurs aspects : les citations, présentes en surnombre, ne sont pas toujours pertinentes ; le ton assertif de Wark lorsqu'il prétend que la réalité est devenue un jeu vidéo m'ont souvent laissé dubitatif. Et surtout, pour un ouvrage qui doit autant à la Société du Spectacle, et en dépit des sarcasmes sur le réchauffement climatique ou la transformation du travail en consommation de divertissements, cette théorie manque terriblement d'un souffle politique. C'est bien évidemment propre à l'époque, mais au final, la Gamer Theory ne semble pas capable d'autre chose que de faire plus de Gamer Theory. Ça reste évidemment un livre très bien pour les game designers de tout poil ou les amateurs de jeux vidéo, mais ça ne va pas assez loin de mon point de vue, surtout vu l'armature théorique touffue qui soutient le tout.

khms
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le 6 sept. 2017

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