Guerre et Paix
8.2
Guerre et Paix

livre de Léon Tolstoï (1867)

La guerre et la paix : de l'humain, de l'humain, de l'humain

"Est-ce vraiment la mort ?" se dit le prince A. en considérant d'un regard neuf, envieux, l'herbe, l'armoise et le filet de fumée qui s'élevait de la balle noire tourbillonnante. Je ne veux pas, je ne veux pas mourir, j'aime la vie, j'aime cette herbe, cette terre, et l'air...". ou "Cela même qui le torturait autrefois, ce qu'il cherchait sans cesse, le but de la vie, n'existait plus pour lui. Si ce but tant cherché n'existait plus pour lui à présent, ce n'était pas un hasard : il sentait qu'il n'existait pas et ne pouvait exister. Et c'est l'absence de ce but qui lui donnait cette pleine et joyeuse conscience de sa liberté qui faisait alors son bonheur".
J'avais onze ans la première fois que j'ai voulu lire La guerre et la paix. Je ne me souviens pas à quelle page j'ai compris qu'il allait falloir attendre, mais je n'ai pas dû aller bien loin. Je ne l'ai finalement lu que très récemment, et ça a été un éblouissement. Je l'ai dévoré, en fait. C'est un livre si profond, si vivant, si prenant, si humain (dans le meilleur sens du terme) que, soudain, vous viennent toutes les patiences et les trésors d'indulgence nécessaires aux pensums (pardonne-moi, Tolstoï) que constituent parfois les longs commentaires de l'auteur sur l'Histoire et les historiens. Un peu comme lorsqu'on est amoureux et qu'on n'a pas même conscience des défauts de l'autre tant ses beautés, ses richesses nous enivrent.
L'œuvre, construite sur quatre livres, chacun divisé en parties, se fait par alternances entre, d'un côté la vie des personnages qui vivent à Moscou et Pétersbourg, et de l'autre les armées qui luttent contre Napoléon. Et, aussi austère que ce résumé puisse paraître, c'est une drogue sur 2000 pages : Pas un personnage, aussi brève soit son apparition, qui ne soit assez dense et vivant pour qu'on ne l'aime ou ne le déteste. Pas une description qui n'emporte une totale adhésion : moi qui redoutais de m'ennuyer pendant les descriptions de batailles entre Russes et Français, je les ai lues en haletant, et le général Koutouzov est devenu mon héros. Les analyses psychologiques sont fines, souvent pénétrantes, parfois d'une ironie mordante. L'évolution et les luttes intérieures du prince André et de Pierre Bézoukhov, deux personnages d'une grande exigence morale et intellectuelle, sont absolument passionnantes.
Attention à ce qui suit, si vous voulez lire ce livre ! La fin m'a déçue pour des raisons qui, si je les exposais, en apprendraient forcément trop long aux futurs lecteurs. Alors je dirai seulement — et même là j'en dis beaucoup— que j'en veux à Tolstoï d'avoir terni le personnage lumineux et magique de Natacha, par sa vision conformiste de la femme, du mariage, de la famille.
Mais La guerre et la paix est bien au delà de cela, c'est un livre extraordinaire, grandiose et passionnant. L'amour, la misère, le peuple, l'argent, l'amitié, la nature, la mort, le pire, le meilleur, tout ça se côtoie, se bouscule et fraternise dans des élans et des ressacs violents, entrecoupés d'impitoyables lucidités et d'instants de grâce bouleversants.
Bleuedenuit
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le 9 mars 2014

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