H2G2 est pour toute personne qui ne se reconnaitrait pas dans le mot "geek" (troll inside) une référence, même si elle ne la comprend pas.
Depuis que je côtoie ce milieu (again), je ressens sa présence; vous savez, comme ce voisin qui tantôt sera suffisamment bruyant pour que vous l'entendiez, et tantôt se fera presque oublié, mais ne pourra s'empêcher de laisser échapper sur votre palier cette légère odeur de friture qui titillera vos narines. Bref, entre le film, ceux qui y font références jusque dans leurs titres, l'Internet, les bars & Cie, difficile d'échapper à son aura.

C'est principalement pour comprendre d'où est tirée la référence de "La réponse" (pas de spoil, promis) que je me suis mis à lire H2G2 dans son intégralité. C'est aussi je pense l'une des raisons qui explique ma critique.

Commençons par le commencement. Arthur Dent patati patata a perdu maison et bye bye planète bleue. Bon ça, en s'en cogne. En revanche, dès le début du livre j'ai aimé le style décalé. J'ai également adoré notre héros, il faut dire que j'ai un faible pour les personnages au-delà du flegmatique, ceux qui semblent totalement déconnecter de leurs sentiments. Arthur Dent est de ceux-ci. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il apparaît comme étant profondément idiot, ce qui vous vous en doutez ne m'a absolument pas dérangé et même plutôt amusé. Bon, je ne vais pas présenter tous les personnages, mais disons que j'ai aimé chaque présentation et mise en scène première de chaque personnage. Mon soucie vient surtout de leur évolution. J'y reviendrai.

Notre ataraxique se retrouve seul survivant de la race humain grâce à son ami extra-terrestre. Bref, autant dire qu'on a envoyé notre meilleur représentant dans la galaxie. L'histoire n'en est pas une. C'est principalement la croisière d'Arthur Dent, avec ses escales presque sans rapports les unes des autres, mettant en scène des situations toujours plus absurdement drôles. Du moins, au début. Je vous ai dit en introduction que je recherchais surtout à la base quelque chose. Quand, enfin, l'intrigue sur ce point a commencé, je suis tombé sous le charme de l'énoncé génial: "La grande question sur la vie, l'univers et le reste". Le sérieux ponctué par cette nonchalance libératrice; je suis indubitablement fan. J'ai adoré et dévoré toute la partie du livre qui englobe de son début à la conclusion ce pan de l'histoire. Les situations sont drôles tout comme le sont les personnages, le style et les innombrables idées qui saupoudrent le comique d'encore plus d'humour décalé. Son paroxysme accordé au dénouement de cette partie, avec un gros doigt d'honneur enfoncé bien profondément dans les tréfonds du lecteur avide de réponse. À partir de ce moment-là, on est convaincu; rien n'est sérieux, ni même le fond. Pas une once, pas une racine de poil de cul de sérieux ne sera présente dans ce livre. À ce moment-là, vous en êtes à un tiers du livre.

Sauf qu'en fait, oui mais non. Si l'histoire reste quand même légère, le tout va prendre à plusieurs reprises un ton plus sérieux. Qu'on se comprenne, ça ne me dérange pas en soit. Mais passer d'un burlesque burlesque à un dramatique burlesque n'est vraiment pas évident. Si, malgré tout, on sent dès le début un poids sur la psychologie de chaque personnage, rien n'est concentré dessus. Hors, et là attention aux spoils, quand Arthur Dent se retrouve seul avec son canapé et brouillé avec son ami ou encore avec son histoire d'amour, il s'implique davantage et en perd l'aspect de sa personnalité que j'aimais le plus. Marvin, lui, qui est le personnage drôlement dépressif, disparaît tout bonnement des pages (ou presque). Choix logique, un monde absurde ramené au niveau par un robot démontrant avec la plus grande intelligence l'absurdité de la vie, évincé lorsque l'histoire retrouve sur le fond un niveau plus réaliste. Le contraste n'aurait plus été saisissant. Surtout, ce choix nous évite le déplaisir de nous voir perdre tous nos repères et lui permet d'échapper à la déconfiture dont les personnages sont atteints et surtout à leur perte d'intérêt causé par le style répété à en devenir lourd de Douglas Adams. C'est là mon deuxième point de bipolarité. Mais je finis quand même sur mon premier. Les personnages ne peuvent plus vivre à cent à l'heure sans se soucier des choses. Ils sont placés dans des situations qui les obligent à la méditation. Être bloqué sur une planète à une autre époque pendant des années, ça a tendance à avoir cet effet-là. Attention, j'aime beaucoup aussi cet aspect, mais la transition est trop brutale, ou mal amené. Je ne sais pas vraiment.

Je parlais du style décalé de l'auteur. Au début, c'était bien, j'étais dedans, j'aimais chaque phrase, chaque idée, chaque personnage. Mais après des centaines de pages du même humour, on se lasse. C'est triste à dire, mais c'est comme ça. Lorsque l'humour est omniprésent et dans tous ses styles, on sature. Autant un humour fin peut nous trimballer avec lui pendant un long moment, autant un humour grossier, même aussi bien manipulé, fini par trouver rapidement ses limites. On continue néanmoins d’apprécier çà et là quelques bonnes idées, mais sur l'ensemble, plus les pages se tournent, moins les dents se montrent.

H2G2 est une œuvre littéraire que je suis ravi d'avoir lu. Malgré ce que j'en dis, je l'ai parcouru avec grand plaisir jusqu'à la dernière ligne. Seulement, il a laissé en moi arrière-goût amer, comme un arôme de "peut mieux faire", ou plutôt de "pouvait moins faire". Que ce soient dans ses aspects sérieux que je comprends ou dans son abus du même style, je l'aime bien ce bouquin quand même. Je ne pourrais que le conseiller à tous, même si je regrette parfois qu'il ne se soit pas arrêté à cette fameuse question, et non à ce dénouement qui, bien que restant dans l'essence du livre, ne parviens pas à renouer avec ce que son commencement avait initié en moi.

Airk3n
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le 13 mai 2016

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Airk3n

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